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Toutefois il n’entrait pas dans les plans de la royauté française d’aller, dans cette voie, aussi loin que l’exigeait la réelle détresse religieuse de l’Eglise nationale.

D’abord elle refusait, en dépit des instances réitérées du clergé, de recevoir le Concile de Trente, et, par conséquent, de laisser prendre officiellement pour base, pour méthode et pour sanction de la réforme ecclésiastique les décrets, que venait de promulguer, avec une intelligence indéniable, l’autorité la plus compétente en la matière. Et, là-dessus, le Tiers-Etat, où les Parlementaires dominaient, était encore plus intransigeant que la Cour. Henri IV et Richelieu exprimaient au moins des regrets polis de cette opposition au Concile, disaient ou laissaient dire, promettaient même parfois qu’on ne s’y obstinerait pas toujours[1]… Mais, quand il advenait au clergé, en un accès de hardiesse, de déclarer qu’il publierait lui-même en France le Concile, sous sa responsabilité propre, et qu’ « à la charge de leur conscience, » les prélats en observeraient les constitutions et canons[2], ce n’était pas seulement les protestans qui alors pressaient la Cour d’annuler cette téméraire initiative[3], c’était le Tiers-Etat, champion obstiné des « libertés de l’Eglise gallicane, des « privilèges de la cour de France, » des « droits des cours de justice françaises, » ennemi farouche des « empiétemens de la cour de Rome. » Et alors on voyait à Paris le prévôt des marchands défendre, par sentence, « à tous les ecclésiastiques du ressort de la prévôté et vicomte, de tenir le Concile pour reçu, et même d’innover aucune chose dans la police ecclésiastique sans la permission du Roi, à peine de la saisie de leur temporel et d’être traités comme criminels de lèse-majesté[4]. »

Mais la contradiction était flagrante. D’un côté, l’on reprochait aux évêques leur insouciance ; de l’autre, par ce rejet du Concile, on l’encourageait, ou tout au moins on la rassurait. François Miron, le porte-paroles du Tiers en 1614, s’en apercevait bien, quand, tout en maintenant les fins de non-recevoir de l’opposition parlementaire au Concile, il engageait néanmoins « MM. du clergé à se mettre d’eux-mêmes dans l’exécution et observation de ce Concile, » à le « prendre pour règle et modèle

  1. Georges Picot, t. IV, 327. D’Avenel, III, 319.
  2. Georges Picot, t. IV, 329.
  3. Traité secret de Londres, 1616 (G. Picot, t. IV, p. 330.)
  4. D’Avrigny, Mémoires chronologiques (année 1615) t. Ier, p. 230.