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Périclès, cet usage est abandonné pour les statues les plus nobles, et, quand on n’a pas recours aux procédés de la statuaire chryséléphantine, que Phidias fut sans doute le dernier à employer, le marbre, laissé enfin dans sa blancheur originelle, apparaît comme la splendeur sacrée du nu. Un jour, après des siècles de sociales et religieuses transformations, la pierre seule, la pierre humble, friable et triste, sera la matière nécessaire à l’idéal nouveau, parce que seule elle pourra recevoir et garder la plus sensible empreinte du rêve impossible et touchant des gothiques. Et voici que, par un logique retour au sens de la beauté profane et charnelle de l’être, il faudra une toute païenne « renaissance » pour ressusciter le marbre et rendre au bronze son symbolique triomphe.

Si le granit fut égyptien, le marbre fut grec, et le bronze sera florentin : les trois matières spécifieront et expliqueront les trois époques. A Florence, la flamme, rallumée par l’âme moderne à l’idée antique, donnera de nouveau au bronze sa grâce forte, et sa signification esthétique, morale et sociale. Les orfèvres, au XVe siècle, seront les ouvriers inconsciens de la transformation politique et intellectuelle, en même temps que les pères de tout l’art moderne. Les progrès de la balistique, qui aboutiront à la constitution de la guerre moderne, et l’étude scientifique des actions du feu, qui sera tout simplement l’origine de la chimie, sont des dérivés de l’ardent travail quotidien des modestes orfèvres de Florence. A vrai dire, les Grecs de la belle époque aimèrent à travailler le bronze, et les premiers élémens de la science des « toreuticiens » leur venaient d’une lointaine tradition orientale, mal connue d’eux-mêmes, et tout imprégnée des secrets anciennement apportés en Argolide par des fils de Chaldée, initiés au culte de Baal. L’Ecole d’Argos, avant la venue de Phidias, avait été un centre d’étonnante activité artistique. Faut-il voir, dans le très ancien et habile usage qu’on avait d’y travailler les métaux au feu, la suite d’une longue tradition, trois fois interrompue, mais jamais entièrement oubliée à travers douze ou quinze siècles, et reprise toujours, en quelque sorte par-dessus les influences importées d’Egypte ou d’Assyrie, par une sorte d’atavisme obscur, aux « batteurs d’or » légendaires, aux rudes orfèvres achéens, qui travaillaient à Mycènes bien avant les époques historiques et les chants épiques, — à Mycènes, « la ville aux choses d’or » comme l’appellera Homère quatre ou cinq siècles au moins plus