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vingt-deux siècles, de leur mort divine, par les enfans inquiets et curieux d’Occident, elles nous ont, comme en une vision soudaine, apporté la grâce inconnue et l’esprit intime de l’art à son adolescence ; le parfum, si longtemps perdu, de la vraie antiquité. Et, de nouveau, on les voit, en esprit, se dresser autour du vieux temple des Pisistratides, debout sur des bases en forme de colonne, toutes fraternelles, heureuses et symétriques, en leur fin vêtement plissé, les cheveux peints et déroulés sur le dos en longues boucles frisées, la jambe gauche portée en avant et, de la main, relevant légèrement les plis de la robe diaprée… Elles souriaient,… elles semblent songer encore,… filles plus libres déjà, avec leur regard fixe et leurs lèvres peintes, des longues déesses d’Ionie retrouvées naguère à Délos, et sœurs lointaines des Madones futures revenues de Byzance aux chapelles d’Italie, avec l’ancien sourire et l’âme nouvelle.

Les redites de l’histoire sont sans doute les parentés de l’esprit et du cœur humain. Florence sera l’Athènes chrétienne, et Paris sera la Florence nouvelle, chère aux dernières Muses. Au temps où Phidias étudiait la sculpture chez Ogiladas l’Argien, Myron d’Eleuthère, qui fut son condisciple, restait fidèle aux premiers enseignemens de l’Ecole, et continuait à travailler le bronze. Car Argos fut surtout une école d’orfèvres. Et, curieusement, l’analogie se pourrait continuer de ce VIe siècle grec avec le XIVe, à Florence, où, des boutiques d’orfèvres, au Ponte-Vecchio, sortent pensifs les futurs sculpteurs. Myron, réaliste énergique et rude encore, est le Donatello de l’antiquité. Kalamis en serait le Cellini, plus curieux ou plus élégant, dont les œuvres étaient, au dire de Denys d’Halicarnasse, comparables à celles de Lysias, « pour le soin et la grâce. » Tous deux, en effet, sont sur la limite de l’archaïsme, au point presque parfait d’équilibre, dans toute genèse d’art, où l’art encore jeune et sincère s’exalte jusqu’au savoir le plus pur de l’ouvrier, où le métier, déjà merveilleux, n’étouffe pas encore la libre émotion de l’artiste. Phidias peut venir, comme viendra Raphaël, dire les mots des sommets, les paroles qu’on ne continue pas. Après eux, après les buissons ardens où les Moïse voient Dieu, il n’y a plus de chemins d’art que pour redescendre, — délicieusement, — la montagne divine !

Aux dernières heures de l’archaïsme attique, Cimon, préparant les jours de Phidias, répare les ruines des guerres