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Leurs livres avaient une très grande influence sur les classes cultivées. Pendant ce temps, l’une des plus lointaines colonies, la Nouvelle-Galles du Sud, affirmait sa solidarité avec la mère patrie en offrant spontanément un contingent de volontaires pour participer à l’expédition qui devait venger la chute de Khartoum et la mort de Gordon. Chose curieuse, ce premier coup de clairon de l’impérialisme est sonné par un Irlandais catholique, William Bede Dalley, premier ministre par intérim de la Nouvelle-Galles du Sud. Le peuple anglais se sent naturellement ému de cette marque de sympathie. La révolte du sentiment national contre le Home Rule, proposé par Gladstone, et le mouvement de réaction contre les idées libérales qui en résulte, aplanissent les voies à l’impérialisme, cousin germain de l’unionisme. Des ligues se fondent bientôt pour répandre la nouvelle doctrine : c’est l’Impérial Federation League, remplacée en 1894 par la British Empire League, l’Impérial Federation Defence Committee. L’union plus étroite de la Grande-Bretagne avec ses colonies semble une panacée à tous les maux de l’Angleterre, qui régénérera ses forces comme dans un bain de Jouvence au contact de ces peuples jeunes et ardens, et qui conservera facilement dès lors la supériorité maritime, industrielle et commerciale, que d’outrecuidans rivaux paraissaient menacer. Ainsi l’impérialisme est chauvin dès le début et deviendra bientôt agressif.

Les solennités qui se succèdent à l’occasion du cinquantième, puis du soixantième anniversaire de l’avènement de la Reine, en hâtent le développement en unissant tous les sujets dans un même culte pour leur vieille souveraine, symbole vivant de l’unité impériale, dont le règne démesuré semble une faveur particulière du ciel. Les défilés de troupes appartenant à toutes les races et venues de tous les coins de l’univers, les colossales revues navales, exaltent l’idée que ce peuple orgueilleux et quelque peu brutal se fait de la puissance de l’Empire. Au milieu de ces fêtes naissent les conférences coloniales : au jubilé de 1887, les ministres coloniaux et métropolitains se réunissent pour la première fois à Londres ; en 1894, le gouvernement canadien prend l’initiative de la conférence d’Ottawa. Enfin, en 1897, à la troisième conférence, M. Chamberlain pose nettement les questions de la fédération impériale et de la préférence commerciale. Cette dernière fait un pas décisif par la