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leur assuraient, à peu de frais, beaucoup de science. En évoquant le souvenir de tant de ruines, l’historien Niebuhr, peu d’années après, flétrissait la suppression des cloîtres comme un désastre pour la culture intellectuelle ; et Max-Joseph de Bavière, qui s’en reconnaissait en quelque mesure responsable, eût voulu, de confusion, arracher ses cheveux gris. L’Allemagne catholique, comme la France catholique, était pour longtemps découronnée de cette sorte d’aristocratie du savoir, à laquelle les monastères ménageaient un docte et fructueux loisir.

Ce fut à la longue, seulement, qu’on reconnut ces irréparables effets. Sur l’instant, nous dit Pacca, « les bons catholiques attribuèrent l’injuste spoliation de l’Eglise d’Allemagne à un juste châtiment du ciel, attiré par l’irréligion et le dérèglement des mœurs du clergé. » Le cruel réveil des électeurs ecclésiastiques fut sans doute moins pénible à la Cour de Rome que ne lui avait été leur confortable assoupissement ; elle s’alarme moins des secousses profondes que d’une stagnation prolongée. Lorsqu’on sut, au Vatican, que ces puissans de la veille étaient déposés de leurs sièges, que ces riches de la veille avaient désormais les mains vides, qu’une Eglise seigneuriale était devenue mendiante, on se disposa, par habitude de chancellerie, à faire valoir le droit violé ; mais l’on pensa que peut-être, derrière le geste de Bonaparte, qui ne laissait que des décombres là où avait été l’Eglise d’Allemagne, se dissimulait quelque vouloir de Dieu ; que cette brusque misère était une expiation trop longuement méritée ; et que cette Église coupable était trop humiliée pour nôtre point un jour exaltée. Rome ne déteste point que ses fidèles, et même ses pasteurs, sachent trouver, dans un certain Mea culpa, la force de comprendre les révolutions et de les pardonner.


IV

De tout ce vieil édifice de l’Église d’Allemagne, jeté bas pour toujours, une colonne cependant restait debout, très droite et très altière, mais un peu gênée de sa solitude et d’une majesté qui sentait l’emprunt : c’était la dignité d’électeur archichancelier. Cette dignité, jusqu’en 4803, avait été la parure de l’église de Mayence ; du jour au lendemain, elle fut attachée à celle de Ratisbonne ; elle avait pour titulaire Charles-Théodore de Dalberg,