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dans la même Université, cet étrange Eulogius Schneider, Franciscain sécularisé, d’abord courtisan d’une princesse pour laquelle il fabriquait des vers impies ou grivois, et plus tard, à Strasbourg, courtisan de la Terreur, à laquelle il livra des têtes jusqu’à ce que la sienne tombât à son tour. Pie VI, on le voit, avait d’assez bonnes raisons pour dénoncer à l’archevêque de Cologne, en 1790, les tristesses de l’université de Bonn.

Témoins actifs, mais impuissans, de ces abus et de ces tendances, les nonces se consolaient en constatant, — comme l’observaient, vers la même époque, les émigrés français, — que la religion était « encore pleine de vie chez la plupart des catholiques ; » que si la décence faisait souvent défaut dans les cérémonies de l’Eglise, la dévotion demeurait très grande ; que les messes enfin, parfois célébrées par des prêtres en bottes qui revenaient du bal ou s’équipaient pour la chasse, étaient très fréquentées. « Cette conservation, déclare le cardinal Pacca, était un véritable prodige. Car, loin de pouvoir affaiblir les couleurs du tableau si triste, si déplorable, que j’ai déjà fait de l’état de la religion en Allemagne par rapport aux lois des princes et à l’enseignement universitaire, je dois dire, au contraire, que ce tableau s’était encore rembruni durant les neuf ans de ma nonciature. »


III

L’horizon toujours plus sombre fut soudainement illuminé par un orage, qui s’appela la Révolution française : l’éclat en fut foudroyant. La douceur de vivre, où se prélassaient un certain nombre des dignitaires d’Eglise, fut presque aussitôt détruite qu’inquiétée. Entre le régime ancien qui les avait faits princes et le régime nouveau qui les voulut rendre fonctionnaires, entre l’époque où ils étaient tout et celle où il leur serait à grand’peine permis d’être quelque chose, plusieurs années s’écoulèrent, durant lesquelles ils ne furent rien : l’Eglise d’Allemagne s’affaissa dans le néant.

Le traité de Campo-Formio, en cédant à la France la rive gauche du Rhin, avait frustré de quelques morceaux de terre et de quelques milliers d’âmes beaucoup de souverainetés allemandes ; elles dépêchèrent leurs représentans au congrès de Rastadt, et là, on chercha les moyens de se dédommager. Quoi