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négligé de l’interroger dans les vingt-quatre heures, contre le juge d’instruction qui a gardé un prisonnier au-delà de la date du mandat périmé, contre le gardien de prison qui ne l’a pas mis en liberté à date fixe, il faut qu’une action en dommages-intérêts soit ouverte. C’est la seule forme pratique et précise du recours.

Le vice de nos lois est d’avoir édicté des sanctions terribles qui, en dépassant la mesure, ne devaient jamais être appliquées. Un étranger qui ouvre nos Codes peut croire que la liberté est très efficacement protégée : un chapitre a pour titre : Des moyens d’assurer la liberté individuelle contre les détentions illégales et d’autres actes arbitraires. (Code d’Instruction criminelle, 615 à 618.) Un autre chapitre contient huit articles sur les attentats à la liberté, édictant contre les fonctionnaires la dégradation civique, contre les ministres le bannissement. L’énormité de ces peines les rend illusoires et le texte même des articles s’applique si peu aux circonstances réelles que jamais depuis la promulgation de nos codes ils n’ont été invoqués. Il semble que le législateur se soit attaché à rendre inefficaces les armes qu’il semblait promettre aux victimes. Contrairement au vieil adage de droit, il s’est appliqué à donner et à retenir. Dans un article, il ouvre le droit à une indemnité (Code pénal, 117), et, dans une autre disposition, il subordonne l’action en dommages-intérêts aux complications tout à fait infranchissables de la prise à partie (Code de Procédure civile, 505).

Qui oserait prétendre que, depuis un siècle, à travers toutes nos révolutions, il ne s’est pas produit en France une seule atteinte à la liberté individuelle ? Non, le silence de la jurisprudence, loin d’absoudre nos lois, en est la condamnation. Il y a eu des abus et devant les plaignans aucune porte ne s’est ouverte. Toute la législation de 1808 était destinée à tromper la foule ; elle était inspirée par celui qui renvoyait toutes les plaintes à la commission instituée au Sénat pour protéger la liberté individuelle. Un siècle d’expérience nous montre la réalité. Nous avons assez mal réussi à protéger la liberté de l’individu pour avoir le droit de chercher et de vouloir d’autres méthodes !

Quand le principe de la loi est bon et que le texte offre quelques lacunes, il convient de proposer un amendement, de poursuivre une réforme de détail. En cette matière, aucune disposition ne répond aux besoins ; pas un texte qui ne soit obscur et décevant ; la jurisprudence, au lieu de les développer et de les