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défendre les attributions de police judiciaire des préfets qui ne trouvaient pas de défenseurs en 1878.

L’œuvre de la commission de révision, achevée en 1879, fut présentée au Sénat en novembre de la même année. Mais déjà elle avait été corrigée par le ministère Le Royer. Le projet du gouvernement enlevait aux préfets des départemens les pouvoirs de l’article 10, mais, moins libéral que la commission, il les maintenait au profit du Préfet de police. Cette transaction, à peine discutée au Sénat, allait rencontrer à la Chambre un adversaire résolu. M. Ribot, fidèle à l’opinion qu’il avait soutenue dans la commission, n’eut pas de peine à rappeler les abus auxquels avait donné lieu ce texte ; il cita l’arrêt de la Cour de cassation donnant, en 1853, aux préfets tous les pouvoirs du juge d’instruction, leur accordant le droit de saisir les lettres à la poste ; il montra l’organisation de la police à Paris reposant sur les 80 commissaires de police, officiers de police judiciaire, pouvant agir régulièrement en cas de flagrant délit et sur mandats des juges ; il pressa le gouvernement de dire quel intérêt il y avait à donner les mêmes pouvoirs au Préfet de police personnellement. « Il faut choisir, dit-il avec force. Ou bien vous voulez un système régulier, loyal, la séparation des pouvoirs, l’action de la justice séparée de l’action purement politique, purement administrative : alors, à l’exemple de toutes les législations, sans exception, il vous suffit d’avoir un procureur général ayant sous ses ordres des procureurs de la République, des juges d’instruction, des commissaires de police qui, tous, en cas de flagrant délit, peuvent agir. Il n’est pas besoin de préfet de police. Ou, en dehors de ces flagrans délits, vous voulez, de cet article 10, vous faire une arme, vous voulez garder une place pour l’arbitraire[1]. » On répondit qu’il était bon de donner au Préfet de police un droit propre ; mais ni le rapporteur, ni le ministre de la Justice, ne purent le définir. La cause était jugée. Sans scrutin, et à mains levées, l’article 10 fut rejeté.

Depuis dix-neuf ans, le projet du Code d’Instruction criminelle dort dans les cartons de la Chambre des députés[2]. Comme tous les travaux législatifs qui demandent un effort et une persévérance, il est oublié. À la fin de 1901, l’arrestation, par les

  1. Chambre des députés. Séance du 4 novembre 1884. Journal officiel. p. 2202.
  2. La commission semble avoir renoncé à poursuivre et à faire voter la révi-