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police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous actes nécessaires à l’effet de constater les crimes, délits et contraventions et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. »

Ce texte, qui ne prête à aucune équivoque, qui investit les préfets d’un droit personnel et illimité, a été précisé avec plus de clarté, s’il est possible, par la jurisprudence[1], qui a déclaré que le préfet pouvait accomplir tous les actes qui sont de la compétence du juge d’instruction.

À cet article du Code se rattache toute une histoire, qui contient l’image et le résumé de nos révolutions.

Parmi nos législateurs de la Révolution, dès le début, nous voyons deux tendances. Les uns croyaient au droit, les autres à la force. À ceux qui voulaient inscrire dans la législation nouvelle des textes protégeant la liberté répondaient les défenseurs de mesures qui permettaient de la violer : ils soutenaient que la sécurité publique serait en péril si le gouvernement n’était investi des moyens d’assurer l’ordre en échappant aux prescriptions de lois libérales par des actes de haute police. Tout d’abord, l’inspiration de 1789 l’emporta : les lettres de cachet venaient d’être supprimées. La Constitution de 1791 contient la prescription la plus formelle : « Nul homme, disait-elle, ne peut être saisi que pour être conduit devant l’officier de police, et nul ne peut être mis en arrestation ou détenu qu’en vertu d’un mandat des officiers de police, d’une ordonnance de prise de corps d’un tribunal, d’un décret d’accusation du Corps législatif, dans le cas où il lui appartient de le prononcer, ou d’un jugement de condamnation à prison. »

L’énumération était précise ; mais les meilleures lois sont impuissantes contre l’anarchie générale : quand le désordre est partout, on s’en prend à elles de ce qu’elles ne peuvent empêcher.

En 1791, il se trouvait des royalistes qui assuraient que le droit d’arrestation aurait permis à la royauté d’enrayer la Révolution. Chaque parti croyait si bien à la force, que la Convention inscrivit dans la Constitution de l’an III le droit, pour le pouvoir exécutif, de détenir les individus suspects de quelques machinations contre le gouvernement ; mais on limitait ce droit

  1. Voir notamment les arrêts Coëtlogon, de 1853. Dalloz périodique, 1853.