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violentes contre l’attitude du clergé pendant la période électorale, menaçant de traduire les évêques devant les tribunaux et accusant le Saint-Siège lui-même d’avoir fomenté la discorde par des « excitations imprudentes. » Le Livre Jaune s’arrête là. On ne nous dit pas ce qu’a fait M. Delcassé. Probablement il s’est contenté de communiquer au nonce la « décision » de M. Combes, comme il lui avait communiqué celle de ses prédécesseurs, dont elle prenait la place.

Tout cela est peu glorieux pour nous. On se permet de pareils procédés à l’égard du Saint-Siège parce qu’il est faible : ils n’en sont que plus indignes d’un gouvernement qui se respecterait lui-même. Non seulement le nôtre ne se respecte pas, mais, en publiant des documens aussi compromettans pour lui, il s’est fait à coup sûr peu d’honneur auprès de l’opinion impartiale.

Chaque fois que nous prenons la plume, nous avons à dénoncer quelque persécution nouvelle contre la liberté de l’enseignement. Sommes-nous au bout, au moins pour aujourd’hui ? Non ; la Chambre vient encore de voter une loi, qui a pour objet d’apporter une gêne de plus à l’exercice de cette liberté. Cette loi n’avait pas été demandée par le gouvernement ; elle est due à l’initiative individuelle ; mais il s’est empressé d’en prendre les dispositions à son compte. Il s’agissait de savoir ce que devient le congréganiste sécularisé. Rentre-t-il aussitôt dans le droit commun ? C’est une grosse question, sur laquelle nos maîtres du jour se divisent, au point qu’on a dit un moment qu’elle pourrait mettre le « bloc » en péril ; mais nous ne l’avons pas espéré. Personne ne refuse ouvertement le bénéfice du droit commun au congréganiste sécularisé ; les plus hardis ne poussent pas aussi loin la franchise ; seulement ils contestent la sincérité de la sécularisation, et c’est par-là qu’ils se rattrapent. On leur répond que, s’il y a des sécularisations simulées, ils n’ont qu’à en faire la preuve devant les tribunaux : mais, cette preuve étant difficile à faire, ils aiment mieux chercher des armes ailleurs. La Commission a donc eu l’idée d’interdire provisoirement aux congréganistes sécularisés le droit d’enseigner dans de certaines régions, qui s’étendaient d’abord aux départemens où ils l’avaient exercé et aux départemens limitrophes, et ensuite aux communes seulement. Ainsi un ancien congréganiste ne pourrait pas enseigner, pendant trois ans, dans la commune où il le faisait auparavant, ni dans les communes voisines. Au point de vue des principes, cela est monstrueux pratiquement, c’est une entrave apportée à la liberté, mais ce n’est pas, il faut bien l’avouer, la plus grave de toutes celles qui lui ont été portées depuis quelque temps.