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tirés d’un ordre de choses disparu ; les passions du jour lui ont répondu. Bientôt les congrégations n’ont pas été seules en cause ; la persécution s’est tournée contre l’idée religieuse elle-même et contre tout ce qui la représente. Alors le danger lui est apparu. Cette rupture brutale avec notre passé, nos traditions et nos mœurs a fait naître chez lui quelques soucis. « Nous avons une longue histoire, dit-il, nous tenons au passé par les plus profondes racines, et celles-là mêmes qu’on peut croire desséchées conservent encore une sensibilité que la moindre blessure réveille et qui se communique à l’organisme entier. » Ce langage montre que, si M. Waldeck-Rousseau ne sait pas prévoir, du moins il sait voir, ce qui, faute de mieux, est encore quelque chose. Il serait d’ailleurs difficile de dire quel sera l’effet de son discours. Le pays et les Chambres entendront-ils sa parole élégante et sobre au milieu des clameurs qui les assourdissent ? Tant mieux s’il en est ainsi. Il reste établi que, dans la pensée du principal auteur de la loi sur les associations, ce n’est pas elle qu’on exécute : on l’a violée dans sa lettre et dans son esprit. Elle n’aurait jamais été votée, si la dernière Chambre avait prévu l’usage qu’on devait en faire. Et c’est une réponse à ceux qui disent que, puisque la loi existe, le gouvernement est bien obligé de l’appliquer.

Si nous prenons le discours de M. Waldeck-Rousseau comme un symptôme, d’autres se sont manifestés depuis quelques jours d’où il semble résulter qu’il y a pour la première fois un peu d’hésitation et de flottement dans la majorité. Sa marche n’est plus aussi assurée, ni sa structure aussi massive. Des résistances imprévues ont eu lieu. Peut-être sommes-nous arrivés à un point d’arrêt qu’on ne pourra plus dépasser. Mais beaucoup de mal a encore été préparé, et M. Combes restera au pouvoir pour le perpétrer pendant les vacances.

Ces observations nous viennent à l’esprit à propos de la loi repoussant en bloc les demandes d’autorisation de quatre-vingt-une congrégations de femmes enseignantes. On savait que le siège de la majorité était fait d’avance, et que rien ne pourrait en conjurer l’inévitable dénouement. Il s’est produit, en effet, mais la majorité ministérielle est tombée à 16 voix, en y comprenant celles des ministres eux-mêmes : et cependant M. Combes avait posé la question de confiance. Le déplacement de 8 voix aurait suffi pour le renverser. En constatant ce résultat, on a cru entendre dans le bloc un craquement de mauvais augure. Les journaux officieux ont poussé un cri d’alarme ; l’avenir est devenu incertain. Mais la loi était votée. Avons-nous besoin de dire comment elle a été discutée ? Le précédent établi