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REVUE MUSICALE


La Damnation de Faust de Berlioz, au théâtre Sarah-Bernhardt. — Une grande interprète du lied allemand : Mme Mysz-Gmeiner.


Pour ancien que soit déjà le scandale, il est de ceux qu’il convient de ne pas laisser oublier, ou prescrire.

La Damnation de Faust, « arrangée » en opéra par M. Gunsbourg, fut représentée pour la première fois à Monte-Carlo, sous d’augustes auspices. « Ce sont là jeux de prince, » en un pays où l’on prend avec l’art, comme avec la nature, toutes les libertés, voire certaines licences. Il est plus fâcheux qu’à Paris la Société des Grandes auditions de France, peu respectueuse, malgré son nom, d’un grand génie français, ait accordé son patronage à une affaire où le ridicule ne le céda qu’à l’impiété.

Oui vraiment, en cet impertinent spectacle, tout ou presque tout fut dérision. Un seul tableau mérita l’indulgence et peut-être davantage : celui de la taverne d’Auerbach. Là, malgré le décor sommaire, il faut avouer que le groupement, les évolutions et l’aspect même des buveurs, l’exubérance, et je dirai la truculence de leur chant et de leur jeu, de leurs gestes et de leurs voix, donnèrent assez vivement l’impression de « la bestialité dans toute son horreur. » Mais il n’y eut pas au cours de la soirée un autre moment de vérité et de vie. La scène, admirable entre toutes au concert, du sommeil de Faust bercé par le chant de Méphistophélès et des Sylphes, a souffert, au théâtre, de grossières atteintes. S’il est un monde à ne pas figurer aux yeux, c’est le monde des Esprits. Ici plus que partout ailleurs il ne faut pas voir ; il ne faut qu’entendre et que rêver. Hélas ! le décorateur et le machiniste ont fait plus et pire encore que dissiper notre