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cienne et la plus récemment connue (qui est celle du Silurien inférieur ou Cambrien), tous les embranchemens figurent encore, à l’exception des vertébrés, et chacun avec un nombre de types assez élevé. C’est une question de savoir si, plus bas, dans les sédimens considérés jusqu’ici comme azoïques, il y a vraiment une population vivante plus clairsemée et réduite aux animaux et aux plantes les plus rudimentaires, à savoir les protophytes et les protozoaires, comme il semble résulter des recherches de MM. Barrois, Bertrand et Cayeux. Mais il n’en est pas moins certain que la très importante remarque d’Agassiz est vraie et que, dès le terrain cambrien, tous les types principaux apparaissent simultanément. On assiste à une sorte d’explosion de la vie universelle.

Les transformistes sont obligés d’admettre, en conséquence, que dans le court espace de temps qui correspond au dépôt des plus anciens sédimens fossilifères, les premiers êtres vivans ont dû subir toutes les évolutions nécessaires pour passer de l’état de masse proto-plasmique à celui de types caractérisés de tous les embranchemens, celui des vertébrés seul excepté. Nous sommes autorisés à dire que ce temps de dépôt des plus anciens sédimens fossilifères a été court, parce que nous en jugeons d’après leur épaisseur, et que celle-ci est très faible si on la compare à la puissance des assises subséquentes. Les modifications en vertu desquelles les premières formes vivantes ont constitué les embranchemens ont donc exigé relativement peu de temps. L’époque silurienne inférieure fut une époque de transformations rapides, d’activé morphogénèse, de mutations intensives. Si l’on voulait supposer que celles-ci ont eu lieu par le mécanisme darwinien de l’accumulation lente des petites variations, il faudrait donc rejeter l’origine de la vie à une époque d’un recul inconcevable au-delà de la plus ancienne époque géologique connue.

De même, comme l’ont fait observer d’autres paléontologistes, parmi lesquels Ch. A. White, la flore extraordinaire de l’époque carbonifère s’est développée brusquement. On ne connaît à peu près rien ou seulement peu de chose des flores qui l’ont précédée. Son apparition et son extinction ont eu lieu d’une manière soudaine.

On peut multiplier ces remarques relatives aux explosions brusques des créations vivantes. En voici encore une. Les lézards dinosauriens, qui pullulaient à l’époque secondaire, au point de former le type animal dominant, présentaient une variété extrême sous tous les rapports. Il y en avait de gigantesques, comme le Brontosaure, dont la masse équivalait certainement à celle de quatre ou cinq élé-