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REVUE SCIENTIFIQUE

UNE NOUVELLE THÉORIE DE L’ORIGINE DES ESPÈCES


Il y a près d’un demi-siècle qu’a paru le livre de Darwin : De l’origine des espèces par la sélection naturelle. Il n’est pas besoin de rappeler le retentissement et les effets de cette publication. Elle a été le signal d’une révolution profonde accomplie dans les sciences de la nature et, secondairement, dans les autres sciences et dans les esprits eux-mêmes. L’idée de l’évolution des formes vivantes, de leur descendance ou encore de leur transformisme, déjà mise en avant par Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire, fut tirée de l’oubli ou de l’indifférence où elle était restée jusque-là et imposée, en quelque sorte, à la presque-universalité du monde savant. Elle ne rencontre aujourd’hui presque plus de contradictions. Ce n’est qu’une hypothèse sans doute ; mais, comme elle est la seule qui soit d’ordre rationnel, elle tire de cette circonstance une sorte de caractère de nécessité. « S’il existait, dit M. Yves Delage, une hypothèse scientifique autre que la descendance, pour expliquer l’origine des espèces, nombre de naturalistes abandonneraient leur opinion actuelle comme insuffisamment démontrée. »

Cela est peut-être vrai ; mais il n’y a point d’autre hypothèse scientifique ; et, bon gré, mal gré, les naturalistes du jour sont donc transformistes, c’est-à-dire persuadés que les formes vivantes ne sont pas étrangères les unes aux autres, invariables, isolées, arrivées à la vie par des actes créateurs particuliers et sans lien entre eux, mais qu’elles sont, au contraire, parentes, c’est-à-dire issues les unes des autres.