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ou un jour de fête dans l’après-midi, à la lumière du jour.

La collaboration de la nature au spectacle, tant vantée dans le théâtre antique, y apporte un incontestable élément de vie, de force et de gaîté. La sensation du plein air, l’amplitude de l’horizon, la noble beauté ou l’agrément paisible du paysage environnant prédisposent le spectateur à goûter des sensations d’art, simples, saines et spontanées, mieux que le tohu-bohu des rues et que l’atmosphère impure et chaude d’une salle somptueusement dorée. Il ne faut pas cependant se figurer que la nature peut et doit fournir seule le décor du spectacle et participer sans cesse matériellement à l’action. — Sans doute, on utilise le plus souvent possible le fond naturel, les sapins, la prairie, les pierres ; mais, à moins de fixer toujours le spectacle dans le même site restreint et bientôt trop connu, il faut recourir aux artifices du décor peint pour varier le lieu de l’action et pour créer le milieu illusoire où le drame a besoin de faire évoluer ses personnages : cette variété répond, d’ailleurs, non pas seulement aux besoins du dramaturge, mais aussi à un goût très vif du public auquel il s’adresse ; et le mélange du décor peint et du décor naturel peut, au lieu de paraître choquant, prêter à d’heureuses combinaisons.

Si l’on demande à la nature de collaborer avec l’art, en y ajoutant un puissant attrait de vie et de pittoresque, on devra se résigner aussi à subir ses caprices et sa méchante humeur. Il lui arrive, surtout dans ce pays de montagnes, d’être mal disposée et, au lieu de servir la fête, de la troubler par un orage, une pluie diluvienne, de sinistres coups de vent. C’est un revers qu’on ne saurait éviter : on s’efforce d’en atténuer les effets le mieux possible, sans réussir à y remédier complètement. Les galeries dont j’ai parlé, qui primitivement n’existaient pas, offrent un refuge à la plus grande partie des spectateurs ; les autres, stoïquement, endurent l’averse ou s’abritent sous leurs parapluies, quand le vélum devient insuffisant. L’essentiel est que l’intérêt excité par la pièce soit assez fort pour lutter avec avantage contre la malice du temps : je note ici, non sans quelque plaisir, que ces accidens n’empêchent plus désormais le public d’accourir de loin au spectacle et qu’une fois installé, les cataractes du ciel peuvent crouler sur sa tête sans lui faire lâcher pied.

II. — Les acteurs. — La troupe est composée uniquement d’acteurs populaires, c’est-à-dire de gens qui ne font point