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sur les flancs de la montagne de petits cryptomérias. Ce sont ces arbres qui ont aujourd’hui trois cents ans et qui constituent certainement le plus beau cadeau qu’on ait fait aux dieux.

Je ne crois pas que nulle part ailleurs on puisse trouver pareille réunion d’arbres géans avec leurs troncs lisses et droits comme des colonnes, leur formidable hauteur, l’enchevêtrement de leurs branches qui fait régner partout une obscurité triste et gravé comme il convient à un lieu où on vénère l’âme des morts.

De grands escaliers droits, aux marches de granit, permettent de monter dans cette forêt. Le torrent mugit derrière vous. À droite, à gauche, partout, des ruisseaux, des cascades, des sources qu’on ne voit pas, font entendre leur éternel bruissement qui s’élève sous la voûte des arbres comme un chant religieux. Quand on a monté quelque temps, le chemin s’élargit. Maintenant c’est une immense avenue en pente très douce au bout de laquelle étincelle quelque chose qui est un temple. On passe sous deux ou trois portiques en pierre ou en bronze de la forme consacrée au Japon et on arrive à la réunion d’édifices qui constitue le premier sanctuaire. C’est d’abord une tour carrée à sept étages, toute en laque rouge, avec des ornemens de bronze doré finement ciselé. Quatre cryptomérias l’entourent, luttent avec elle de hauteur, la dépassent, lui font un décor merveilleux de verdure et d’ombre.

De nouveau, de grands escaliers de granit se présentent, permettent d’accéder à plusieurs terrasses successives taillées à même dans la montagne, surplombées toujours de la grande forêt sombre. Sur chacune de ces terrasses, des portiques, des portes, des monumens séparés qui sont des magasins où l’on garde des choses précieuses, des armes, des casques, des étoffes merveilleuses et passées ayant appartenu à des prêtres, à des impératrices, à des rois, des chandeliers et des brûle-parfums de bronze, des laques d’un incalculable prix. Et l’extérieur de ces monumens est toujours le même : toujours des laques rouges constellées de ferrures, de cuivres ciselés, de bronzes damasquinés d’or. Des bois sculptés, des porcelaines représentant mille figures variées enrichissent les frises ; et toujours, partout, se reproduisent les trois feuilles des shoguns, aussi bien dans la masse de fer qui couronne le pignon d’un toit, que dans l’a tête d’un petit clou imperceptible maintenant une pièce de cuivre dans les soubassemens du bâtiment. Rien n’est dédaigné, rien