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Ce travail acharné dans toutes les classes, cette lutte pour l’argent, ce marché perpétuellement ouvert aux « business, » font de Hong-Kong une des villes les plus animées du monde. Mais les Anglais, là comme ailleurs, ont su importer leur art de faire chaque chose en son temps. Il n’y a pas de grosse commande, d’affaire urgente, de fluctuation commerciale, qui empêchent tous les bureaux de se fermer à quatre heures. Alors chacun laisse au vestiaire ses préoccupations avec ses vêtemens de travail, et se rend au tennis, au champ d’entraînement ou au club. Le soir on passe un smoking, on va dîner dans un des grands hôtels de Victoria street, on se rend au théâtre ou dans le monde. Et il est, dans la ville haute, pour les célibataires, des maisons luxueuses, d’aspect respectable, où l’on sable le Champagne en compagnie d’Américaines aimables dont le flirt est tarifé à trente dollars la nuit.

Au moyen de terre rapportée, d’étages creusés dans la montagne, de travaux de toutes sortes, on est arrivé à entourer la ville d’arbres et de fleurs, à la semer de jardins frais. Tout en haut du pic qui domine Hong-Kong se trouvent un grand hôtel, un sanatorium et un hôpital. On y accède par des sentiers en lacets le long desquels on a bâti des villas et par un funiculaire qui, en quelques minutes, permet de faire le trajet. Pendant la saison chaude, on jouit sur le sommet d’une température plus fraîche et des vents vivifians du large. En tous temps, on y a une vue magnifique sur l’île, sur les bras de mer qui l’entourent et serpentent autour d’elle comme d’énormes fleuves, sur la côte chinoise montagneuse et aride. C’est, à vos pieds, le fouillis de verdure qui enserre et cache la ville, la rade immense couverte de navires, sillonnée d’embarcations à vapeur ou à voile, et plus loin, les chantiers et les docks hérissés de hautes cheminées, cité nouvelle, industrieuse et noire, que la fumée de ses usines recouvre d’un brouillard épais.

CANTON

Après une nuit passée sur un des grands steamers à aubes qui font, à raison de deux par jour, le service entre Hong-Kong et Canton, on arrive vers six heures du matin dans cette dernière ville. Quand même on serait encore couché dans sa cabine, les clameurs qui s’élèvent de toutes parts, les senteurs empoisonnées