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destinées à procurer des secours aux ouvriers de même profession malades ou sans travail. Ces caisses de secours ont paru utiles, mais qu’on ne se méprenne pas sur cette assertion : c’est à la Nation, c’est aux officiers publics en son nom, à fournir des travaux à ceux qui en ont besoin pour leur existence, et des secours aux infirmes. Les distributions particulières de secours, lorsqu’elles ne sont pas dangereuses par leur mauvaise administration, tendent au moins à faire renaître les corporations. Elles exigent la réunion fréquente des individus d’une même profession, la nomination de syndics et autres officiers, la formation de règlemens, l’exclusion de ceux qui ne se soumettraient pas à ces règlemens : c’est ainsi que renaîtraient les privilèges, les maîtrises, etc., etc. »

Dans le débordement de discours sentimentaux, philanthropiques et humanitaires des hommes de la Révolution il n’est pas fait une fois allusion aux avantages de la mutualité. Depuis lors l’Assemblée constituante a passé, puis la Convention et encore beaucoup d’autres régimes. La Nation, qui devait donner aux citoyens travail et nourriture, n’a pas tenu ses promesses ; et voici que les hommes d’aujourd’hui qui se réclament à tout propos des grands ancêtres semblent oublier la doctrine de ces derniers sur ce point comme sur tant d’autres. Il faut donc croire que la Révolution a commis alors une colossale erreur dont, de parti pris, on a mis un siècle à s’apercevoir. Cependant la mutualité, proscrite par la Constituante, devait avoir du bon, puisque, maintenant, c’est plus qu’un retour en arrière, ou une simple réaction, c’est une véritable poussée qui semble entraîner, mêlés avec les libéraux, des hommes considérés comme les héritiers de la doctrine jacobine. Il est vrai que les uns et les autres, individualistes chacun à leur manière, peuvent chercher dans les mutualités, même professionnelles, un moyen d’échapper à l’organisation du travail.

Au surplus, ce qu’il est intéressant d’examiner, c’est si la société de secours mutuels, telle que la législation la comporte aujourd’hui en France, est une institution d’une véritable portée sociale, ou une simple combinaison financière de prévoyance. Dans ce dernier cas, elle nous intéresserait moins : nous avons les compagnies d’assurances qui remplissent une notable partie des objets poursuivis par les mutualités et qui se tirent fort bien d’affaire. Il pourrait aussi se faire que ce fût une institution