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efforts de chacun et comportant l’adhésion de tous les partis, obtienne secours et subventions de l’Etat sans distinction d’opinions chez les bénéficiaires. Il est permis de supposer qu’en dehors de la vertu propre de l’institution, il en est, parmi ses promoteurs, qui fondent sur elle de secrets espoirs ; et nous sommes loin de déplorer ce calcul intéressé si l’œuvre, excellente en soi, doit tirer profit de cette émulation, et si le développement doit ensuite s’en effectuer dans une orientation rationnelle que le temps et les circonstances se chargeront d’indiquer.


I

Ce qui, nous l’avouons, nous met en légère défiance à l’égard, non des sociétés de secours mutuels, mais plutôt de la bruyante campagne que l’on mène autour d’elles, c’est un peu l’emphase coutumière avec laquelle on en célèbre les avantages ; ce sont aussi les tendances, faciles à noter, de quelques-uns de ceux qui s’en occupent. Il semblerait en effet qu’aux œuvres mutualistes, dans la pensée de ceux-ci, soit dévolue la redoutable mission d’être l’application pratique de cette doctrine de la solidarité, mise naguère à la mode, de même que, pour d’autres, les œuvres charitables sont elles-mêmes la conclusion logique et effective de la morale chrétienne. La mutualité, selon nos penseurs, c’est la forme scientifique d’altruisme qui doit tenir lieu de dévouement au prochain dans la nouvelle religion qu’on nous promet. Le développement de ses institutions sera l’œuvre pie qui libérera la conscience de ceux qui, par-dessus tout, craignent d’employer le mot de charité chrétienne. Reste à savoir si celle-ci n’a pas marqué, à leur origine, les sociétés de secours mutuels de son empreinte, comme elle l’a fait pour la plupart des œuvres de bienfaisance qui ont déjà une certaine durée derrière elles, car nous verrons, il faut que l’on en prenne son parti, que les sociétés de secours mutuels, historiquement d’origine chrétienne, sont des institutions autant de charité et de bienfaisance que de mutualité.

Il y a donc nécessité à remettre toutes choses au point, d’abord pour ne pas laisser accaparer par un parti, qui n’en a pas la paternité, une œuvre excellente par elle-même, et qui doit appartenir à tout le monde, ensuite pour étudier l’orientation vraiment pratique et féconde à donner au mouvement mutualiste.