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l’impossibilité d’enlever, si la colonne russe, chargée du mouvement tournant, n’avait point réussi à se porter sur les derrières des positions chinoises ; de même, la veille du combat de Peïtzang, ils déclarent que c’est par des attaques de nuit, à la baïonnette, qu’ils s’empareront des retranchemens fortement occupés par les Chinois.

Ils professaient, à vrai dire, la plus médiocre estime pour la valeur de ces adversaires qu’ils avaient, aussi bien, menés tambour battant dans leur glorieuse campagne de 1894 : d’autre part, leurs plans étaient d’ordinaire fondés sur des données précises que leur fournissait un « service de renseignemens » dont l’organisation pouvait rivaliser avec ce que les puissances européennes comptent en ce genre de plus perfectionné. C’est ainsi que l’on apprit que, pendant la période de troubles qui précéda l’explosion du mouvement des Boxeurs, le Pé-tchi-li était sillonné par de nombreux Japonais, et, plus tard, par des émissaires à leur solde qui ne cessèrent ensuite, pendant toute la durée de la campagne, de fournir à l’état-major des renseignemens dont la connaissance lui fut d’un précieux secours. De même, pendant toute cette période, ils conservèrent, sans doute, des intelligences, sinon des relations suivies avec l’ennemi dans nombre de places, car les habitans, à Tong-Tchéou par exemple, à la première apparition des alliés, s’empressaient d’arborer sur la porte de leurs maisons de minuscules pavillons japonais pour marquer qu’ils se mettaient sous la protection de cette puissance. Le fait suivant est encore plus caractéristique : le premier jour où les légations furent attaquées, arrivèrent à ces légations une trentaine de Japonais, habillés à la chinoise, provenant des différens quartiers de Pékin où ils exerçaient toute sorte de métiers : dans le nombre se trouvaient plusieurs officiers et sous-officiers en congé qui se rangèrent sous les ordres du lieutenant-colonel Shyba, commandant le détachement japonais.

Il ne conviendrait pas, cependant, d’admirer sans réserve l’audace des conceptions tactiques de l’état-major japonais. Le dédain de l’adversaire, lorsqu’il est justifié, est, certes, une des conditions essentielles du succès à la guerre, mais il ne saurait faire accepter le caractère préconçu qui dominait dans les dispositions prises, dans le plus grand nombre de cas, par les Japonais. Leurs plans étaient, en effet, le plus souvent, arrêtés dans tous les détails, et prévoyaient le développement intégral de