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combattre de préférence aux côtés des Français[1]. A leur contact et au contact d’alliés, contingens d’armées dont la réputation de vaillance était universellement établie, et en présence desquels ils allaient pour ainsi dire « faire leurs preuves, » leur amour-propre s’exalta, et ils étaient impatiens de donner des témoignages publics de leur science militaire et de leur bravoure, de « gagner, » comme disait l’un d’eux, « sur les champs de bataille, à leurs côtés, leurs éperons de chevaliers. »

Aussi furent-ils, en toute circonstance, admirables d’entrain et d’intrépidité. Ce n’est point, d’ailleurs, sans une certaine mise en scène qu’ils aimaient à faire leurs preuves : on a cité plusieurs prises de position par des batteries japonaises à proximité de retranchemens chinois, au cours desquelles des officiers gantés, la cigarette aux lèvres, donnaient leurs ordres pendant que les balles ennemies fauchaient les hommes autour d’eux. La légende s’en mêla à son tour et, à leur propre étonnement, les Japonais apprirent ainsi que, sur quarante de leurs sapeurs envoyés pour faire sauter avec de la dynamite la porte de la cité chinoise de Tien-Tsin, trente-neuf de ces braves trouvèrent la mort, et que ce n’est qu’au quarantième, passant par-dessus les cadavres de ses frères d’armes, qu’il fut donné de mener à bien sa périlleuse mission ! Ce qui est certain, c’est que leurs plans de campagne étaient marqués au coin d’une rare audace, poussée parfois jusqu’à la témérité. Et, en effet, on sait que c’est à leur initiative que l’on doit l’attaque de vive force de la cité chinoise de Tien-Tsin, protégée par de hautes et épaisses murailles contre lesquelles les projectiles de la faible artillerie des assaillans n’avaient aucune efficacité, cité défendue par de nombreux et invisibles ennemis, et que les alliés eussent été vraisemblablement dans

  1. Les Japonais se trouvaient portés à suivre cette ligne de conduite, d’instinct, par sympathie, comme il vient d’être dit, et aussi parce que, à cette première période de la guerre du Pé-tchi-li, notre armée était celle avec laquelle il leur paraissait plus particulièrement intéressant et instructif de coopérer. Les officiers français répondirent avec la plus loyale cordialité aux démonstrations amicales de leurs frères d’armes. En ce qui concerne le point de vue diplomatique, l’action du haut commandement japonais resta, pendant toute la durée de cette campagne de Chine, étroitement liée à celle des Anglais. Il n’était un mystère pour personne que c’est à l’instigation et sur les sollicitations pressantes du gouvernement anglais, à ce moment dans l’impossibilité de diriger sur la Chine des contingens susceptibles, comme nombre et comme valeur générale, d’être comparés aux forces russes, que les Japonais avaient envoyé à Tien-Tsin une division entière de leurs troupes dont l’effectif, y compris les hommes des services auxiliaires, devait atteindre 22 000 hommes.