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laissaient à leurs hommes la plus grande liberté d’action[1].

De même, — ce qui présentait des inconvéniens plus graves, — dans certaines opérations du début de la campagne, comme dans la marche de Takou sur Tien-Tsin, des détachemens de ce contingent, qui avaient formellement déclare, avant le départ, qu’ils voulaient conserver leur indépendance, se portaient ensuite quelquefois par petits groupes, selon leur fantaisie, sans aviser de leurs mouvemens les troupes voisines, sur la ligne de combat ou sur les flancs de corps alliés déjà engagés et que cette intervention inattendue déconcertait quelque peu : c’étaient là des procédés tactiques de corps de partisans plutôt que de troupes régulières familiarisées avec les opérations combinées des grandes unités, et, ajoutons-le, qui furent le fait de détachemens isolés, avant l’arrivée du corps expéditionnaire. Dans une circonstance, le 6 août, lors de l’assaut des retranchemens établis par les Chinois pour la défense de la station de Yang-Tsoun, une manière analogue d’opérer, provenant, cette fois, d’un manque de

  1. Citons, entre cent, un exemple extrait du rapport d’un officier français :
    « Marche sur Pékin : Journée du 12 août.
    « A la tête de l’avant-garde d’une petite colonne française, je suivais, à une distance, de quelques centaines de mètres, un convoi nombreux de voitures conduites par des soldats du train d’un contingent allié et qu’escortaient seulement cinq à six cavaliers : ce convoi marchait avec un ordre remarquable, grâce à la discipline, à la docilité et à la patience des conducteurs, qui se donnaient, à chaque passage difficile, une peine inouïe, obligés qu’ils étaient de dételer, de décharger et de recharger un certain nombre de voitures embourbées dans les fondrières que présentait, le chemin.
    « A l’entrée de la nuit, à 2 kilomètres environ avant d’arriver à Matou, une dizaine de coups de fusil se font entendre : instinctivement, cavaliers et conducteurs opèrent une demi-volte rapide, prêts à se replier sous la protection de notre petite colonne ; quelques voitures se jettent hors du chemin, dans les sorghos : bref, il y eut là un moment de cet indescriptible désordre dont une troupe surprise donne toujours le spectacle.
    « Les cavaliers alliés, que je venais de rejoindre, me désignent du geste un hameau entouré de jardins, me faisant comprendre que c’est de ce point que les coups de feu ont été tirés et que c’est sur eux qu’ils étaient dirigés, les balles étant passées à une petite distance au-dessus de leurs têtes.
    « Je prévins le commandant de ma colonne, qui prit à tout hasard des dispositions de combat, et je partis aussitôt en reconnaissance. Je ne fus pas peu stupéfait en découvrant bientôt un petit groupe de soldats américains qui, tranquillement, sans se soucier des alertes qu’ils pouvaient occasionner et de ce que devenaient leurs projectiles ricochant à de grandes distances dans toutes les directions, s’exerçaient à tirer, à la carabine, de nombreux porcs et poulets qui erraient autour du hameau. N’ayant pas d’interprète, je cherchai, à mon tour, par gestes, à faire comprendre à ces sportsmen d’un nouveau genre les dangers auxquels leur imprudence venait d’exposer les soldats du convoi et les nôtres ; ce fut peine inutile, car la marche n’était point reprise depuis bien longtemps que nous entendîmes derrière nous une nouvelle fusillade. » (Notes du lieutenant F…).