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la plaine, se trouvent, en divers endroits, des grottes naturelles, temples des anciens jours encore en vénération aujourd’hui. De vieux Bouddhas de pierre ou de brique, quelques bas-reliefs naïfs taillés à même le roc, et beaucoup de chauves-souris, voilà à peu près tout ce que le visiteur peut admirer maintenant dans ces saints lieux.

16 janvier. — Ce matin nous sommes passés près de l’île de Tavoï, dans le détroit qui la sépare de la côte. C’est une terre montagneuse aux cimes élevées qui se perdent dans les nuages. Des forêts magnifiques couvrent les pentes, viennent baigner jusque dans la mer. Un enchevêtrement de gorges et de crêtes, de baies et de caps, donne à cette terre un cachet pittoresque. Une infinité de petits îlots, rochers verdoyans tombés dans l’Océan, lui font une ceinture attrayante de montagnes en miniature et de détroits ombreux.

A deux heures nous mouillons devant Mergui. Une heure et demie de steam-launch nous est nécessaire pour atteindre le petit port dont nous sommes distans de six milles et repoussés par un fort courant. Mergui est une ville de 15 000 habitans bâtie tout le long de la mer. Les maisons construites sur pilotis semblent flotter à marée haute. La population est un mélange de Birmans, de Malais et de Chinois. Les pagodes birmanes occupent, comme toujours, les hauteurs, tandis que les temples chinois, aux idoles monstrueuses et grimaçantes, sont réunis au bord des flots. Il n’y a guère d’Européens à Mergui, et aucun grand bateau ne s’y arrête. Le gouverneur anglais, complètement ahuri de notre visite, ne sait auquel entendre. Il se demande s’il doit nous rendre des honneurs ou nous confier à la police. Nous lui évitons la peine de prendre une décision en nous rembarquant.

18 janvier. — Aujourd’hui nous naviguons parmi les îles innombrables de l’Archipel Mergui comme dans une succession de lacs dont on ne quitte l’un que pour pénétrer dans un autre. La mer n’a pas une ride. Elle est déserte aussi. On n’y voit ni un navire ni une barque. Les grands bois qui couvrent toutes ces côtes restent silencieux. Des sauvages y habitent cependant. Ils vivent de pêche et sont fort craintifs. Nous en avons vu à Mergui quelques spécimens un peu frottés de civilisation. Quant à ceux de la région que nous parcourons, ils se sauvent sans doute bien vite et se cachent dès qu’ils aperçoivent ce grand navire