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merveille et même un peu le français. On nous offre du thé et des fruits, on nous joue du piano, on nous chante des chansons tamiles avec une petite voix nasillarde et juste. Finalement nous repartons, emportant dans nos bras des cadeaux bizarres : un petit travail en coquillages, une noix de coco sculptée et des brassées de fleurs rouges.


ÎLES ANDAMAN

14 décembre. — Trois jours d’une navigation cahoteuse et nous voici à Port-Blair. On y parvient par d’étroits bras de mer qui serpentent dans un dédale d1îles entièrement couvertes d’épaisses forêts. Les Anglais sont cantonnés dans un petit îlot, peigné, ratissé, bien tenu, où ils ont des maisons de bois aérées et spacieuses, des tennis et un club. De là ils ne communiquent qu’autant qu’ils le veulent bien avec la grande terre où sont déportés des condamnés indiens et birmans. Les bagnes pour hommes et pour femmes sont proprement et largement installés avec des ateliers de toutes sortes. Les malfaiteurs les plus dangereux ont des chaînes rivées aux pieds et à la ceinture. Ils ont également, accrochée au cou, une plaque de bois où sont gravés des numéros dont le premier indique la nature de leur crime. C’est ainsi que j’ai pu constater, dans une excursion où Mme de B… faisait usage d’un palanquin, qu’elle était portée par quatre assassins.

La grande Andaman, qui se trouve en face de Port-Blair, renferme une baie profonde et sinueuse, pénétrant dans l’intérieur des terres avec des aspects de lac. Ce doit être, en même temps qu’une des moins fréquentées, une des plus belles rades du monde. Le voisinage seul des pénitenciers est défriché. Partout ailleurs c’est la grande forêt vierge où errent des sauvages. Le gouverneur ayant mis aimablement à notre disposition une chaloupe à vapeur et un de ses secrétaires, nous visitons tout en détail avec la plus grande facilité.

Dans un recoin de la baie, un peu de fumée qui monte entre les arbres et quelques pirogues échouées sur le sable nous signalent un campement de naturels. Nous abordons. Ces indigènes sont tout petits et noirs ; ils s’enduisent le corps de couches graisseuses de différentes couleurs. Les femmes n’ont pour costume qu’une ceinture en écorce avec un bouquet de