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puis les Ostrogoths ; mais, en 553, Bélisaire, au nom de Justinien, l’enleva à ces maîtres éphémères. Longtemps la croix byzantine régna sur la grande mer intérieure, luttant avec succès contre les barbares du Nord et du Sud, jusqu’au jour où les flottes arabes vinrent à bout de celles de l’empire. En 870, Malte tomba aux mains des musulmans ; elle devint l’une de ces places d’armes d’où ils s’élançaient pour la conquête et pour le pillage et où ils se retiraient au retour de l’hiver ou aux approches de l’ennemi. Du contact prolongé de cette civilisation nouvelle avec la vieille population, africaine ou phénicienne d’origine, sortit la race maltaise, telle qu’elle est encore aujourd’hui, avec sa langue, où tant de mots attestent la longue influence de l’arabe, et avec les contrastes étranges de son caractère.

Au XIe siècle, la Méditerranée change d’aspect ; l’offensive énergique des peuples d’Europe refoule l’Islamisme en Afrique : en 1090, sur le rocher de Malte, les Normands supplantent les Arabes ; l’archipel rentre dans la vie générale de la chrétienté, il partage le sort de Naples et de la Sicile ; d’abord normand, puis français avec les princes angevins, aragonais enfin après qu’il eut été conquis, en 1284, par Roger de Loria, il devient une parcelle de l’immense empire de Charles-Quint, qui, en 1525, en fait donation aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, chassés de Rhodes par les Turcs.

Alors commence, pour Malte, la période de gloire et de rayonnement dont le souvenir est inséparable de son nom. L’Europe du XIVe et du XVIIe siècle est absorbée par ses querelles intestines : le fracas des armes couvre le cri de détresse des peuples asservis au joug musulman. Cependant, parfois, la plainte des captifs enchaînés dans les bagnes parvient jusqu’aux oreilles des nations chrétiennes et, au fond de leur conscience, éveille des souvenirs et suscite des remords ; elles jettent alors un regard de confiance et d’orgueil vers la petite île, où la fleur de leur noblesse bataille contre les pirates barbaresques et les flottes du Grand-Seigneur ; le devoir qu’elles n’accomplissent plus elles-mêmes, elles sont heureuses que le Saint-Siège le confie à la vaillance des chevaliers ; pendant que l’Europe est divisée contre elle-même et s’allie avec le Turc, ils sont ses délégués à la Croisade. Et, d’avoir si longtemps représenté une idée, il est resté à Malte une auréole de gloire.

Le progrès du scepticisme philosophique, au XVIIIe siècle, et