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britanniques ; on réquisitionnerait, en outre, en cas de guerre, tout le charbon que le commerce entasse sur les pontons qui encombrent la rade ; la vente du combustible aux vapeurs qui passent était autrefois très considérable, elle a diminué de moitié par suite delà concurrence d’Alger ; beaucoup de bateaux ne touchent plus qu’à Alger, où ils trouvent du fret, au lieu de s’arrêter à Gibraltar et à Malte.

Jusqu’à ces derniers temps, les bâtimens mouillés dans la baie, aux abords du rocher, n’étaient abrités que par le Vieux-Môle, qui s’avance à peine de 200 mètres dans la mer, à l’extrémité nord de la ville, et par le Nouveau-Môle qui, parallèle au précédent, s’amorce au nord de Rosia-Bay et, se prolongeant dans la mer, de 400 mètres, abritait les bassins des docks. Mais il n’existait, à Gibraltar, à proprement parler, aucun port, ni marchand, ni militaire ; une escadre mouillée dans la baie se trouvait exposée aux coups de vent du sud-ouest et n’était pas protégée contre les attaques des torpilleurs ; Gibraltar n’avait pas non plus de bassin de radoub pour réparer les avaries des navires de guerre. L’amirauté résolut de faire disparaître ces causes de faiblesse : le budget naval voté en 1895 prévit que, dans le plus bref délai possible, un port serait creusé et fermé par des digues ; les travaux furent aussitôt commencés. On prolonge le Nouveau-Môle dans sa direction primitive, vers le nord-ouest, et, le Vieux-Môle, prolongé lui aussi, mais tournant à angle droit vers le sud, s’avance au-devant de l’autre ; une digue détachée relie les deux môles et laisse, à ses extrémités, deux larges passes qui seront désormais les seules issues du port. En même temps, des dragues puissantes approfondissent partout le bassin à 40 mètres et l’on creuse en hâte trois formes de radoub. Les travaux sont actuellement en bonne voie d’achèvement ; on en escompte la fin pour 1904 et 1905, et, déjà, les jetées sont suffisantes pour protéger les bâtimens amarrés dans le port nouveau. L’Angleterre comptait donc avoir prochainement, autour de son rocher de Gibraltar, un établissement naval de premier ordre, prêt à défier toute attaque, derrière son rempart de roches et grâce à ses canons géans ; toujours inquiète pour sa flotte et pour sa prééminence navale, elle regardait avec complaisance s’élever les digues nouvelles et se préparer, pour l’avenir, un formidable outil de guerre ; elle se reposait en toute tranquillité, sachant le détroit bien gardé, quand on lui apprit tout à coup