Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/797

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le combat et reprendre les emplacemens du malin, rencontre le général von Zastrow à 9 heures du soir, mangeant sommairement au château de Pange avec quelques officiers, dont le lieutenant-colonel de Brandenstein. Après s’être consulté avec celui-ci, le général von Zastrow fait répondre à Steinmetz qu’il ajournait au lendemain matin l’exécution de son ordre. Voilà, un général en chef bien obéi !

L’attaque avait été menée vigoureusement sur toute la ligne par les Allemands ; mais leurs efforts ne tardèrent pas à être arrêtés par la résistance énergique des Français, qui malheureusement avaient reçu du maréchal Bazaine[1], dès l’engagement du combat, l’ordre formel de ne pas avancer d’une semelle.

L’ordre fut exécuté ; nos troupes, qui pour la plupart voyaient le feu pour la première fois, furent admirables de sang-froid ; on sentait qu’elles brûlaient du désir d’aller de l’avant. Le maréchal Bazaine disposait du 3e corps, de la Garde, du 6e, et même du 4e corps, qui, sur l’initiative de son vaillant chef le général de Ladmirault, revint sur ses pas et prolongea la ligne du 39 corps. Quelle admirable occasion d’écraser quelques corps allemands, de les punir de leur attaque audacieuse ! Mais il était écrit que le maréchal Bazaine ne saurait profiter d’aucune des belles occasions des 14, 16 et même 18 août ; et que les qualités, bien réelles, de sa vaillante armée ne seraient pas utilisées.

Les événemens condamnèrent donc la prudence du vieux Steinmetz ; ils donnèrent raison au représentant du grand état-major, au lieutenant-colonel de Brandenstein. Le Roi aussi lui donna raison : dès le 15 au matin, il était à Pange et, devant le général de Steinmetz, félicitait hautement les généraux allemands de leur initiative.

Steinmetz assista encore aux batailles du 16 et du 18 août ; puis son armée fut fondue dans l’armée d’investissement de Metz, confiée au prince Frédéric-Charles. Il retourna en Allemagne comme gouverneur de Posen et de Silésie.

La correspondance du maréchal de Moltke ne donne aucun détail sur la bataille du 16 août, livrée sur la rive gauche de la Moselle à l’armée de Bazaine, vers Rezonville et Vionville.

  1. J’ai entendu moi-même, au début de la bataille, auprès d’un bataillon de chasseurs qui venait d’ouvrir le feu, le maréchal Bazaine s’écrier sur un ton de grande colère : « J’avais donné l’ordre qu’on n’acceptât pas le combat… Je défends formellement qu’on avance d’une semelle. »