Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ont provoqué un tumulte qui a bientôt pris le caractère le plus violent. La foule, surprise et indignée, a élu sur le point de faire un mauvais parti aux émeutiers. La police est accourue, un peu tard, pour rétablir l’ordre et y est parvenue difficilement : elle n’a pas cru pouvoir le faire sans obliger le prédicateur à descendre de chaire. On ne s’en est pas tenu là. Le dimanche suivant, rendez-vous a été pris par les émeutiers dans un certain nombre d’églises, notamment à Plaisance et à Belleville ; mais ils y ont trouvé à qui parler. La police était avertie cette fois, les catholiques l’étaient aussi. Si la première partie de la manifestation a été la même qu’à Aubervilliers, le dénouement y a été tout autre : les émeutiers ont été mis à la porte sans le moindre égard, et quelques-uns même ont été rudement secoués. Ils ne recommenceront probablement pas. Mais aussi, qu’allaient-ils faire au pied des autels ? Ils sont, disent-ils, partisans de la séparation de l’Église et de l’État : au lieu de l’imposer aux autres par la force, que ne l’appliquent-ils pour leur propre compte ? Puisqu’ils ne sont pas catholiques, que vont-ils faire dans les églises ? Nous soupçonnons fort, par les manifestations mêmes qu’ils viennent de faire, que, sous prétexte de séparer l’Église de l’État, ils entendent établir sa dépendance immédiate et procéder bientôt à sa destruction. On a pu voit comment ils comprenaient la liberté religieuse. Disons tout de suite quel parti le gouvernement a pris dans cette affaire : il a supprimé le traitement des curés d’Aubervilliers, de Belleville et de Plaisance. Eh quoi ! dira-t-on, il n’a pas poursuivi les auteurs du désordre ? Une instruction a été ouverte, mais elle est restée jusqu’ici sans résultat.

Au fond, les émeutiers d’Aubervilliers et de Plaisance croyaient, ou plutôt savaient pouvoir compter sur les indulgences du gouvernement, et cette confiance ne les a pas trompés. Ils ont trouvé dans l’impunité qui a suivi leur première escapade un précieux encouragement à en opérer la récidive. Qu’avaient-ils fait, après tout ? Ils avaient pris la défense d’une circulaire de M. Combes, celle qui interdit la chaire aux congréganistes sécularisés. On sait que la plupart des évêques ont protesté contre l’injonction de M. le président du Conseil et déclaré nettement qu’ils ne s’y soumettraient pas. M. Combes a une fâcheuse tendance à mettre ses circulaires à la place de la loi et à leur attribuer le même effet, ce qui est un abus. Il n’y a pas de loi qui interdise à telle catégorie de piètres de prêcher : or, les congréganistes qui ont cessé de l’être en vertu d’une sécularisation régulière sont des prêtres comme les autres. Les circulaires antérieures et les règlemens d’administration publique qui ont pourvu à l’exécution de