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souvent il arrive, lorsqu’une note personnelle et neuve attire le regard, et qu’on s’approche du cadre pour lire la signature, qu’on découvre un nom étranger ! De qui est ce magnifique paysage. Au bord de la Somme ? De M. Alfred East. Et cet autre ? De M. Eaton. De qui ce garde de la Tour de Londres, renouvelé de Millais, avec une puissance nouvelle ? De M. Garratt. Et cette Dentellière de Malines ? De M. Struys ? Cet admirable portrait de la duchesse de Palmella ? De Mlle Juana Romani. — Ce sont ces étrangers pour la plupart formés à Paris, et tous inspirés de nos maîtres français, mais nés hors de nos frontières et de races différentes de la nôtre, qui donnent aux Salons et surtout à celui de la Société nationale leur saveur. L’art français l’emporte encore sur tous ses concurrens, mais grâce à sa « légion étrangère… »

Ainsi, que nous considérions les tendances les plus générales ou les particularités les plus minimes de l’art du peintre, nous trouvons qu’elles sont communes à toutes les écoles comme à tous les pays. Et cela est visible jusque dans cette préoccupation de peindre l’Eau que nous apercevons cette année, dans presque tous les paysages des salons, ce souci de pénétrer plus avant dans les secrets de la Nature et de fixer un de ses charmes les plus changeans.


II

Ce souci est nouveau. C’est même le plus nouveau de l’Art avec celui des mouvemens rapides du cheval. Il y ressemble, d’ailleurs, et comme il est certain que les chevaux de Meissonier et de M. Aimé Morot ont dû l’exactitude et la nouveauté de leurs mouvemens aux expériences de M. Muybridge et de M. Marey, il est probable que M. Thaulow n’eût pu réaliser les merveilleux courans ou remous, ou tourbillons de ses Laveuses à Quimperlé en 1902, ou de sa Marée basse, cette année, si nous ne vivions dans un temps où, sans le vouloir, sans même le savoir, chacun de nous est pénétré des enseignemens de la photographie instantanée. Ces enseignemens sont même plus utilisables par l’artiste quand ils disent la course de l’eau, que lorsqu’ils retracent celle de l’homme ou du cheval, parce que les mouvemens que la photographie décèle et les formes qu’elle enregistre dans les ondes de remous et leurs losanges ou dans