Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/649

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On se souvient peut-être, mais il n’est pas inutile de le répéter, que nous avons déjà fait exactement la même constatation, précisément dans la même région, et sur un nombre d’ouvriers à peu près égal, pour les mines de houille de M. et de la B…[1] ; ce qui, d’ailleurs, n’a rien qui puisse surprendre, puisque à travers toutes les variations et toutes les différences professionnelles, la vie se joue, appliquant inexorablement à tous les hommes sa loi universelle de sénescence et de disparition que ne sauraient mettre en échec les circonstances particulières à tel ou tel métier. La même constatation, nous la ferons encore, si nous considérons, au lieu de l’âge des ouvriers, la durée de leurs services à l’usine, qui les répartit comme il suit :

Classement des 1 704 ouvriers par ancienneté dans l’usine :


0 à 5 ans 619
5 à 10 412
10 à 15 336
15 à 20 105
20 à 25 118
25 à 30 69
30 à 35 43
35 à 40 2

et cette constatation, en ce point aussi, est pareille pour la métallurgie et pour les mines. On sent que la même loi fatale et universelle, une espèce de loi de la pesanteur, emporte ces groupes humains et règle leur chute en la précipitant d’une étape à une autre étape, et comme d’un palier à un autre palier du temps ; chute dont la vitesse s’accroît en raison et en proportion du temps même, si bien que de plus haut ils tombent, ou de plus loin, c’est-à-dire plus ils sont anciens, plus ils tombent vite. Pour les mines de houille, nous avons observé, et précisément dans cette même région, sur un nombre d’ouvriers à peu près égal, qu’au-dessus d’une certaine durée, prenons au-dessus de vingt ans, les chiffres qui expriment soit l’âge, soit l’ancienneté de services, diminuent de cinq ans en cinq ans, d’une dizaine, sans arrêt ni relèvement : si, de trente-cinq à quarante ans, le nombre commence par un 3 (une trentaine d’ouvriers), de quarante à quarante-cinq ans, il ne commence plus que par un 2 (une vingtaine seulement), à quarante-cinq par un 1 (rien qu’une dizaine), et, passé cinquante-cinq ans, cette dernière dizaine elle-même, il s’en faut bientôt de moitié, puis de plus de moitié, puis de bien plus, puis de presque tout qu’elle se complète[2].

  1. Voyez la Revue du 15 août 1902. Le travail dans la grande industrie ; — I. Les Mines de houille ; — II. L’Age des ouvriers, le temps de travail et la peine, p. 349.
  2. Ibid.