pouvoir confié à Bonnard « pour retirer les papiers de du Pin, et les étranges moyens mis en œuvre par l’intendant pour obtenir le gain du procès de son maître[1]. » Les commissaires écoutèrent en silence, posant par intervalle des questions « pour la forme, » sans préciser à l’accusé les charges qui pesaient sur lui ni les preuves qu’ils croyaient avoir. « On lui a d’abord donné des faits faciles, assure M. De Mondion à Condé[2], pour l’engager à répondre devant les commissaires, et à ne pas se servir de son privilège. » Après quatre heures employées de la sorte, les magistrats se retirèrent. « Il se passa depuis lors, écrit le maréchal, cinq semaines, jour pour jour, sans que j’entendisse parler de ces messieurs. »
Il est intéressant de suivre dans les correspondances du temps, — au sujet d’une affaire qui passionne si vivement la curiosité générale, — les mouvemens d’opinion qui se succèdent au jour le jour. De la déposition dont on a lu plus haut le résumé, rien n’a, les premiers temps, transpiré hors de la Bastille. Le maréchal est au secret, Bézemaux impénétrable ; les commissaires ont fait serment d’être muets comme la tombe. Ricous, envoyé par Condé pour essayer d’avoir quelques nouvelles, confesse franchement, au retour de l’expédition, sa complète ignorance : « J’arrive de la Bastille et de l’Arsenal. M. De Luxembourg a été interrogé quatre heures de temps. Depuis lors, personne n’a rien dit, et l’on ne sait pas s’il a bien ou mal répondu[3]. » De l’incertitude du public, je trouve une preuve nouvelle dans les informations qu’adressent à M. le Prince, avec plus de zèle que de conscience, dix autres de ses correspondans. Ce ne sont que contradictions : « M. De Luxembourg, dit l’un, a fort bien répondu aux interrogatoires… et ce début ne fait pas grand honneur à MM. les commissaires. » — « Il s’est bien démêlé jusqu’à présent, » dit de même M. De Mondion. — « M. De Luxembourg, reprend l’autre, ne répond rien qui vaille ; il avoue quasi tout ce qu’on lui demande, et l’on n’en a pas bonne opinion. » Quelques-uns lui reprochent d’avoir « refusé de répondre » au questionnaire des magistrats ; et quelques autres sont