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les principaux seraient, à son avis, « la complication de notre syntaxe » et « l’absurdité de notre orthographe. » C’est aussi l’opinion de M. Jean Barès, de M. Georges Leygues, du Conseil supérieur de l’Instruction publique, et de la « Ligue de l’Enseignement, » — celle que préside M. Ferdinand Buisson : — ce n’est pas l’opinion de l’Académie française, ni celle des écrivains en général, ni des poètes, ni la nôtre, si nous l’osons dire ; et nous avons eu jadis, ici même, l’occasion de nous expliquer sur ce point. On ne modifie point la syntaxe par décret ou par principes, ni l’orthographe : il faut ici laisser faire à l’usage et au temps. Mais nous ajouterons une observation. Ceux qui se récrient sur les difficultés, ou, comme ils s’expriment, sur les « chinoiseries » de l’orthographe et sur les subtilités de la syntaxe françaises, qui regrettent le temps qu’on y consacre dans nos écoles, et qui déplorent l’obstacle qu’elles opposent à la bonne volonté des étrangers, sont-ils bien sûrs que ces obstacles mêmes, et cette application, n’aient pas contribué pour une part au perfectionnement de la langue ? En d’autres termes : si la langue française est ce qu’elle est, croit-on qu’elle ne le doive pas, pour une part, à l’étude attentive, méticuleuse et continue, dont elle est l’objet dès l’école primaire ? Croit-on que les singularités de l’orthographe, en gravant dans les mémoires la figure entière des mots, ne contribuent pas à en préciser ou à en fixer la valeur d’usage ?


Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant !


Croit-on que les difficultés de la syntaxe, lesquelles ne résultent toujours que de quelque subtilité d’analyse, ne contribuent pas à développer, de génération en génération, ce caractère « analytique » dont M. J. Novicow accorde qu’il fait l’une des supériorités du français ? « Que l’on écrive : Les livres que j’ai lus ou les livres que j’ai lu, cela ne fait aucune différence, puisque la prononciation est la même dans les deux cas : » ainsi s’exprime M. J. Novicow, lui centième ; et sans doute il a raison, mais cependant il a tort ! Cela ne fait aucune différence quant à la prononciation, et encore faut-il distinguer, puisque enfin la justesse de tel vers de Racine ou d’Hugo dépendra de cet s’de plus ou de moins ! Mais cela pourtant en fait une, quant à tout le reste, et une considérable, si l’invariabilité du participe, une