Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette expédition que j’ai tant admiré le bon cœur de ces hommes si ardens[1].

H. O.


Twickenham, 11 juillet 1855.

Je viens un peu tardivement, mon cher ami, répondre à votre lettre du 4 ; je continue d’avoir très peu de temps à moi ; d’abord plusieurs bonnes et aimables visites m’absorbent beaucoup ; ensuite, j’ai fait la seconde partie du Roi Jean ; bref, me voilà à vous écrire, ce qui me semble assez triste et ne remplace pas nos bonnes conversations[2]. Remerciez Salvandy de l’aimable allusion que contenait son excellent discours et, à ce propos, n’oubliez pas de faire aussi tous mes complimens à M. De Sacy.

  1. La Revue des Deux Mondes a publié, en effet, les Zouaves dans sa livraison du 15 mars 1855 ; la seconde partie de l’étude du Duc d’Aumale : les Chasseurs à pied, a paru dans la livraison du 1er avril. Une édition complète en a été donnée par Michel Lévy au mois de mai 1855.
    L’hospitalité de la Revue n’a jamais manqué aux proscrits ; il y avait, alors, quelque hardiesse à l’accorder, même sous le voile de l’anonymat, à l’un d’eux, car le gouvernement impérial tolérait difficilement, dans la presse, ce qui rappelait l’existence des princes de la maison d’Orléans. Le zèle de ses agens, à cet égard, allait si loin, que, même encore en 1862, les préfets envoyaient des « communiqués » aux journaux assez téméraires pour prononcer le nom du Duc d’Aumale. Une lettre du général Le Flô, adressée au Prince, fournit une preuve assez piquante de cette intolérance. La famille royale avait été touchée des termes dans lesquels Victor Hugo venait de parler du Roi dans le roman des Misérables ; le Duc d’Aumale en avait remercié Victor Hugo, à qui le général Le Flô s’était chargé de transmettre ce remerciement. En rendant compte de cette mission, il écrivait au Prince le 27 août 1862 : «… Je me suis empressé d’envoyer à Victor Hugo la lettre qui le concernait plus particulièrement ; voici le petit billet qu’il m’a adressé à ce sujet ; je crois ne pouvoir mieux faire que vous en transmettre l’original. Vous y verrez que l’auteur des Misérables a été très heureux, et je vous assure qu’il a été extrêmement flatté du témoignage de la satisfaction de la famille royale. Je viens de savoir qu’il a dû le dire à un de ses amis, rédacteur d’un petit journal de Mâcon, je crois, lequel, en ayant parlé dans ce journal en citant le nom du Prince, a reçu, du préfet de son département, un léger communiqué, l’engageant à n’avoir jamais à écrire, dans ses colonnes, sous quelque prétexte que ce soit, les noms des Princes d’Orléans. C’est se montrer bien susceptible, et indiquer d’étranges préoccupations… »
    Voici, d’ailleurs, le billet de Victor Hugo :
    Londres 31 juillet, « Je vous remercie, mon cher Le Flô. Cette lettre m’a ému profondément. Je suis heureux d’avoir touché ce noble cœur. On a des abîmes entre soi, mais le rayonnement des âmes passe au-dessus.
    « Je ne vous écris qu’une ligne. Ma femme vous répondra. Ceci n’est qu’un serrement de mains.
    VICTOR HUGO. »
  2. M. et Mme Cuvillier-Fleury venaient de passer plusieurs semaines près du Prince, en Angleterre.