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que je forme pour vous, vous savez qu’ils ont tous pour but votre bonheur complet, c’est-à-dire une suffisante conciliation entre le bien-être matériel, les joies du cœur, les plaisirs de l’esprit et les satisfactions morales. Le bonheur est à ce prix, et, si je savais, sur terre, un meilleur moyen de le réaliser, je le souhaiterais pour vous. Mais, quels que soient mes souhaits, ils partent d’un cœur sincère et qui vous est tout dévoué ; c’est à ce titre que vous les accueillerez avec quelque distinction, je le crois, dans un moment où vous êtes exposé à recevoir tant d’autres hommages plus intéressés. Nous verrons si l’interminable promenade que vous venez de faire a profité à quelque chose et à quelqu’un ; je souhaite que vous ayez eu occasion de vous y distinguer, sachant que vous l’aurez saisie avec cet empressement du jeune âge, mais aussi avec cette prudence du commandement, qui calcule ce que l’éclat d’un beau fait d’armes peut coûter de larmes et de sang inutilement répandu. J’ai reçu du bivouac de Souk-el-Kami une bonne lettre du commandant Jamin qui me racontait au milieu de quelle quiétude vous aviez marché depuis Milianah, et, si je m’en suis réjoui de tout mon cœur pour le bien que je vous souhaite, je l’ai regretté pour la gloire de vos débuts ; mais votre jeunesse peut attendre. L’Afrique française est vaste, et je n’ai qu’une médiocre confiance à l’universelle adhésion que vous y rencontrez…


Paris, 16 janvier 1843.

Mon cher Prince,

Vous avez aujourd’hui vingt et un ans accomplis. L’âge de votre raison légale vient vous atteindre dans une des circonstances les plus sérieuses de votre vie, et c’est au milieu du plus beau commandement et de la plus grave responsabilité qui puisse peser sur une jeune tête que la loi vous fait homme. Elle prononce que vous êtes capable, en face même des difficultés qui vont vous éprouver. Elle vous donne votre liberté complète, au moment où l’usage que vous allez en faire doit avoir le plus de conséquences pour vous-même et pour les autres ; vous ne regretterez donc pas que cette heure sérieuse de la vie d’un homme ait sonné pour vous en Afrique ; et, si nous le regrettons, nous, mon cher Prince, c’est que vous manquez à la joie qu’éprouvent ici vos amis à fêter votre vingt-et-unième anniversaire… Je viens de lire votre journal ; il m’a vivement