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sans doute pas bien grave. Cependant il aurait mieux valu que l’Autriche et l’Italie ne marquassent pas quelles avaient des intérêts spéciaux, ou peut-être des vues particulières de ce côté des Balkans. Si tout le monde était allé à Salonique, on n’aurait pas été tenté de se demander pourquoi les uns l’avaient fait et non pas les autres. Tout ce qui donne à croire que les diverses puissances n’ont pas le même but et ne le poursuivent pas de concert laisse apercevoir un défaut dans la cuirasse. On a dit souvent que l’Autriche avait des projets sur Salonique, et l’Italie sur l’Albanie. Si cela est vrai, nous n’avons aucun motif d’en prendre ombrage ; mais le moment serait mal choisi pour le manifester. A moins pourtant qu’il n’y ait là pour la Porte un avertissement et une leçon.


On a beaucoup parlé dans les journaux des élections qui viennent d’avoir lieu en Espagne, et on y a attaché une importance que nous croyons très exagérée, parce que quelques républicains ont été nommés dans trois ou quatre grandes villes, et notamment dans la capitale. A Madrid, en effet, la proportion des républicains élus a été considérable : elle a été de six sur huit députés. Le fait est intéressant, mais il reste exceptionnel, et, quand même il y aurait à la Chambre une trentaine de républicains, la monarchie m ; serait pas en danger pour cela. Dans l’ensemble du pays, les élections ont été ce qu’on avait prévu ; elles ont donné au ministère conservateur la majorité qu’il attendait, et cette majorité, bien qu’elle soit diminuée d’une dizaine de voix républicaines, reste assez considérable pour que l’existence du gouvernement soit largement assurée. Le contraire aurait d’ailleurs surpris, étant données les mœurs électorales de nos voisins. En Espagne, le parti qui est au pouvoir a la majorité qu’il veut. Il n’a même pas besoin pour cela d’exercer une forte pression électorale ; les choses sont ainsi naturellement. En fait de pression, le ministère actuel en a peut-être exercé moins qu’aucun autre avant lui. On reproche beaucoup le résultat des élections au ministre de l’Intérieur, M. Maura. M. Maura est un orateur habile, et même redoutable : s’il est attaqué, comme cela est à croire, il se défendra. Il a laissé aux électeurs une liberté complète. Son seul tort a été peut-être de n’avoir pas suffisamment surveillé le côté matériel de l’opération, et de n’avoir même pas vérifié l’exactitude des listes électorales qui avaient été dressées par le ministère libéral antérieur. Il parait que les noms d’un très grand nombre de conservateurs en avaient été systématiquement rayés : il y a même eu des ministres qui se sont