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qu’à l’honneur britannique. Mais beaucoup resteront, — et l’Irlande y compte bien, — sur leurs domaines propres, pour qui la vieille Erin représente autre chose qu’une terre à vendre et le patriotisme autre chose qu’une « rente » à toucher : ils sauront s’adapter à leur situation nouvelle, et ce n’est pas, croyons-nous, une utopie de penser que, vivant enfin de la vie irlandaise, ils deviendront eux-mêmes Irlandais de cœur et d’âme, qu’ils reprendront alors leur place légitime dans une population dont les sépare à présent une barrière infranchissable, et que, prenant à cœur les intérêts matériels et moraux du pays, ils se mettront à travailler, à l’exemple des Horace Plunkelt, des Monteagle, à l’avenir et à la prospérité de l’Irlande.

Des horizons nouveaux s’ouvrent ainsi aux yeux des fils d’Erin, par des contre-coups lointains de l’Impérialisme. Leur fait-il entrevoir aussi la réalisation de cet idéal national qui reste malgré tout leur plus cher espoir : l’autonomie irlandaise ? Jamais, à en croire les hommes politiques ou les journaux nationalistes, l’Irlande n’aurait été plus près du home rule. L’Angleterre, dit-on, saura bien comprendre qu’il est de son propre intérêt de satisfaire les Irlandais, ne fût-ce que pour se débarrasser d’eux, et elle les satisfera, l’occasion venue, par la main des conservateurs ou des libéraux, trop heureux les uns ou les autres d’acheter à ce prix l’appoint des voix nationalistes à la Chambre des communes : — pure question de circonstance ou d’opportunité. — L’Impérialisme lui-même, ajoute-t-on, au fur et à mesure que l’Empire se développe, fait éclater à tous les yeux l’impossibilité ouest le Parlement britannique d’administrer à lui seul l’ensemble des affaires impériales, et la nécessité de le décharger en octroyant une certaine forme d’autonomie aux divers élémens du Royaume-Uni, — c’est le principe du home rule all around. — Voyez, dit-on enfin, les dangers et les complications qui partout menacent l’Empire et qui se chargeront de faire l’Angleterre conciliante : voyez cette seconde Irlande qui se crée dans l’Afrique du Sud, les colonies toutes favorables à la cause irlandaise, et, dans toutes les possessions britanniques, partout où se parle la langue anglo-saxonne, ces milliers d’Irlandais, émigrés et hostiles, que l’Angleterre rencontre à chaque pas face à face, le drapeau vert levé en face de l’Union Jack, l’Impérialisme d’Erin devant celui d’Albion !

On n’ose ici partager ces espoirs. Toutes les raisons d’espérer