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détermine à tout dire, » l’espoir de la clémence royale. Écoutons sur ce point le témoignage même de Louvois : « Je lui ai parlé[1]au sens que M. De La Reynie a désiré, lui faisant espérer que Sa Majesté lui ferait grâce, pourvu qu’il fit les déclarations nécessaires pour donner connaissance à la justice de tout ce qui s’est fait… Il me promit de le faire, et me dit qu’il était bien surpris que je l’excitasse à dire tout ce qu’il savait, puisqu’il avait été persuadé jusqu’à présent, par les discours de M. De Luxembourg et de M. De Feuquières, que j’étais si fort de leurs amis, que je serais un de ceux qui le persécuteraient davantage, s’il disait rien contre eux. » Au retour de Vincennes, Louvois écrit à Louis XIV pour le mettre au courant de ces événemens imprévus, et, dans cette lettre où il résume, — en les aggravant quelque peu, — les accusations de Lesage, éclate, à son insu, un accent de triomphe et de satisfaction intimes : « Tout ce que Votre Majesté a su contre M. De Luxembourg et M. De Feuquières n’est rien auprès de la déclaration que contient cet interrogatoire, dans lequel M. De Luxembourg est accusé d’avoir demandé la mort de sa femme, celle de M. le maréchal de Créqui[2], le mariage de ma fille avec son fils, de rentrer dans le duché de Montmorency, et de faire d’assez belles choses à la guerre, pour faire oublier à Sa Majesté la faute qu’il a faite à Philisbourg. » Feuquières, en qualité d’intime ami de Luxembourg, n’est pas traité avec plus d’indulgence : « M. De Feuquières, écrit Louvois, y est dépeint[3]comme le plus méchant homme du monde, qui a cherché les occasions de se donner au diable pour faire fortune, et demandé des poisons[4]pour empoisonner l’oncle ou le tuteur d’une fille qu’il voulait épouser. » Aucun soupçon n’est exprimé sur la véracité du dénonciateur, sur la foi que mérite un scélérat notoire, un empoisonneur patenté, le digne ami de la Voisin, le menteur obstiné que, trois années plus tard, le même Louvois jugera dans les termes suivans : « Je vous remercie[5]de l’avis que vous m’avez donné de ce que vous a dit Lesage, qui depuis longtemps fait le métier

  1. Lettre du 8 octobre 1679. Archives de la Bastille.
  2. Ceci est inexact, comme on peut le voir en se reportant au texte de la déclaration de Lesage.
  3. Dans le mémoire de Lesage.
  4. Encore inexact, ou du moins grossi.
  5. Lettre du 6 août 1683 à M. De Moncault, gouverneur de la citadelle de Besançon. Archives de la Bastille.