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X

Bismarck, le premier, aperçut dans le lointain les lignes noires qui se dirigeaient sur Chlum ; d’autres observèrent, du côté du bois de Swiep, un ralentissement dans les feux de l’artillerie ennemie et des mouvemens indiquant une retraite précipitée ; d’autres encore remarquèrent que les éclairs des canons de Chlum brillaient maintenant dans la direction du nord, et non plus vers l’ouest : il n’y avait plus à en douter, le Prince royal approchait. Moltke, rassuré de ce côté, presse l’armée de l’Elbe, afin que les deux ailes de l’ennemi soient enveloppées à la fois. A 3 heures, un officier aperçut les masses appartenant à la 2e armée sur les hauteurs de Chlum et les derrières de l’armée autrichienne. « Un indicible soulagement fit tressaillir de bonheur tous ceux qui consultaient l’horizon avec anxiété. « Dieu soit loué ! » dit plus d’un tout bas[1]. »

Enfin voici venu le moment, si impatiemment attendu depuis le matin par l’armée de Frédéric-Charles, de sortir de sa défensive frémissante. Le Roi lui ordonne de s’ébranler tout entière. Lui-même, sur un magnifique cheval noir, se dirige vers Lipa, suivi de deux escadrons. Trois bataillons essaient de gravir les pentes de Lipa et Langenhof ; les batteries qui, depuis tant d’heures, les foudroient redoublent le feu et rendent leur ascension très lente et très pénible, jusqu’au moment que l’infatigable Garde enlève Langenhof et force l’archiduc Ernest (IIIe corps) à disparaître aussi du champ de bataille. D’autre part, les fractions avancées de l’armée de l’Elbe mettent en fuite la brigade Piret, chassent du Brizer-Wald les Saxons, et les obligent à battre en retraite. Sur quoi Gablentz, ne se sentant plus flanqué d’aucun côté, se trouve trop en l’air et recule sur Rosnitz. Ces retraites presque simultanées sont à la fois cachées et facilitées par trois furieuses rencontres de cavalerie, dont deux favorables aux Autrichiens.

L’armée de Frédéric-Charles, en train d’escalader péniblement les pentes, s’aperçoit tout à coup de la disparition des deux corps autrichiens par le silence des batteries et la facilité qu’elle a de gravir. Parvenue sur la hauteur, elle ne perd pas de

  1. Keudell.