qui, en retour, lui montra des secrets d’une utilité plus directe. Leurs affaires prospéraient, quand la Fortune jalouse faillit briser en son essor une carrière si bien commencée. En août 1668, dix-huit mois après sa venue à Paris, Lesage fut arrêté pour crime « de sorcellerie et de pratiques dangereuses[1] ; » après une courte enquête, il fut condamné aux galères, où il passa quelques années. Il ramait sur les côtes de Gênes lorsqu’un ordre du Roi, daté du siège de Maastricht[2], lui apporta sa grâce et lui donna licence de regagner la capitale. Qui lui rendit ce bon office ? Lesage prétend ne l’avoir jamais su ; mais il est fort à présumer que le crédit de la Voisin, ses relations dans le beau monde, ne furent pas étrangers à cette clémence inattendue. De retour à Paris, il s’établit rue Montorgueil, chez un nommé Landart, « maître verrier-faïencier, » et reprit de plus belle sa profession de magicien, où il acquit promptement un renom extraordinaire.
Ce grand succès ne devait rien aux séductions de son physique. Il avait près de cinquante ans, et paraissait bien davantage. « Mal bâti, » le visage sournois, le chef couvert d’une grosse « perruque roussâtre, » ordinairement vêtu de gris, « avec un manteau de bourracan, » Lesage ne payait guère de mine. Mais c’était un coquin rusé, hardi, fertile en inventions, doué d’une faconde de charlatan, d’une ingéniosité subtile, d’un aplomb effronté que rien ne démontait. Il y faut joindre un « art d’escamoteur » assez rare de son temps, une preste légèreté de doigts, une habileté dans « les tours de souplesse, » qui stupéfiaient ses dupes et en imposaient même à quelques-uns de ses confrères. La Voisin, comme on pense, faisait souvent appel à de si précieuses facultés. Elle employait aussi Lesage dans les parodies sacrilèges auxquelles se complaisait la magie du XVIIe siècle. Pour ces cérémonies, il avait un costume spécial, une « longue jupe noire, » recouverte d’une chemise blanche ; puis il se ceignait d’une ceinture « de la même manière que font les prêtres. » Accoutré de la sorte, il récitait les formules de la messe ; une table lui servait d’autel, un gobelet à boire de calice. Les fidèles de ce culte, à la fois grotesque et impie, recevaient dévotement le pain consacré par ses mains, et buvaient l’eau bénite par lui