Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bientôt quelques centaines de lieues, et plus, entre vous et moi… Ceci n’est qu’un souvenir que je vous adresse du rivage ; je n’ai rien d’intéressant à vous apprendre, et vous recevrez, en même temps que ce billet, vos lettres de Paris. Recevez donc de nouveau mes adieux. Cette fois-ci, je suis plus calme, mais non moins triste. Cette première séparation est bien sérieuse ; elle sera bien longue ; je la remplirai par le souvenir de ces années, bien longues aussi, que j’ai passées avec vous et que votre excellente nature m’a rendues si agréables et si douces.


Paris, vendredi 26 mars 1841.

Je viens de recevoir votre toute bonne et bien affectueuse lettre, mon bien cher Prince, au moment où je me disposais, de mon côté, à vous écrire, comme je le ferai tous les vendredis, jour de départ du courrier d’Afrique. J’ai donc à vous remercier de votre souvenir, qui m’a touché, car c’est à votre bon cœur que je le dois. Vous ne semez pas en terre ingrate : ma reconnaissance vous rend au centuple les sentimens affectueux que vous me témoignez, et dont je me reconnais digne par ma tendresse inaltérable pour votre personne. A tous les titres que vous avez à l’estime et à l’affection de ceux qui vous approchent, vous savez que nos longues relations en ajoutent de particuliers pour moi. En vous élevant, j’ai dû vous bien connaître ; je vous aime donc, parce que je vous connais. Beaucoup affecteront de vous aimer pour être connus de vous ; ne vous défiez de l’amitié de personne ; le dévouement est chose si sainte que son affectation même est, à quelques égards, respectable ; mais ne croyez qu’au dévouement éprouvé. J’ai eu le bonheur de passer auprès de vous la plus belle époque de ma vie ; je vous consacre aussi