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dessus dessous, au prix d’un travail surprenant de la part de gens peu habitués à se fatiguer gratuitement.

Au pied Est du tertre et de l’autel à ciel ouvert qu’il supporte, une épaisse table de marbre noir, étendue sur le déblai d’une fosse vide, était entaillée d’une inscription double, latine à gauche, chinoise à droite. La voici :

« D. 0. M.-P. Matthœus Ricci, Italus, Maceratensis. Soc. Jesu profess., in quâ vixit annos LII, expensis XXVIII in sacrâ apud Sinas expeditione, ubi prim. cum Chri fides tertio jam inveheretur. Sociorum domicilia erexit, tandem doctrinâ et virtutis fama celeber, obiit Pekini A. C. MLCX, Die XI Maii, ætalis sux LIV. »

Matteo Ricci ! Grand nom qui résume toute une période de l’histoire des missions catholiques dans l’Empire du Milieu ! Il y débarqua en 1599, quarante-sept ans après que saint François-Xavier fut mort dans l’île de San-tchouen, devant la colonie portugaise de Macao, en bénissant de loin cette « Terre Promise, » où il ne devait jamais pénétrer. Ricci avait pour compagnon Ruggiero Paccio et Diego Pantoja. Sous sa direction habile et ferme, ces pionniers promenèrent, pendant des années, leur apostolat errant à travers les provinces centrales de l’Empire et du Kouang Si à Pékin, réveillèrent les souvenirs endormis depuis Jean de Monte Corvino (1282-1326).

Parfaitement accueilli dans la capitale par l’Empereur, qui lui accorda une pension sur son trésor, Ricci mit le sceau de la politique à son œuvre religieuse en résolvant par une transaction le problème devant lequel les chrétiens, sujets romains, des premiers siècles de notre ère, avaient fait le choix qui a rempli le martyrologe. Ricci admit que le culte de Confucius et le culte des Ancêtres étaient des cérémonies de la vie civile chinoise, uniquement, et les déclara compatibles avec les croyances et les pratiques orthodoxes.

Les élèves qu’il laissa dépositaires de sa pensée, le grand mandarin Paul Siu et sa fille Candide, convertis et baptisés (jar lui ; le Père Shaal, qui devint le favori du premier empereur mandchou Chouen-Tche ; le Père Verbiest, à son tour le favori du grand Kang Hi (1660-1725), continuèrent si habilement l’œuvre commencée, qu’ils furent bien près de réussir à assurer la conversion de la Chine au catholicisme. Ce ne furent ni les intrigues des mandarins, ni l’indifférence religieuse des Chinois, ni les persécutions, ni les exils, qui firent échouer les Jésuites, mais l’intransigeance des Dominicains.

Dès 1611, un moine espagnol de cet ordre, Morales, missionnaire au Fokien, avait très violemment attaqué et stigmatisé d’idolâtrie la