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chemin, dans la direction du vent du bonheur (feng shoui), adoptée pour orienter les portes de tous les édifices impériaux.

Venait ensuite une sorte de vaste cour, dont la bande médiane formait une avenue dallée, bordée de lions accroupis, de tortues à des chargé d’épaisses stèles, de grands vases décoratifs, le tout en marbre.

Portique, animaux, vases, gisaient dans l’herbe, cassés, quand ils avaient pu l’être.

Au fond de cette cour d’honneur, un portique de marbre, accolé de deux grandes rondes-bosses, scellées dans un épais mur transversal, donnait accès au terrain des sépultures. Les efforts des Vandales n’avaient pu ni les renverser ni les arracher de leurs scellemens. Ils avaient été plus peureux contre deux tables solides de marbre noir, posées sur la face opposée du mur, juste derrière les deux rondes-bosses.

L’une de ces tables, brisée en tombant, cachait son inscription dans l’herbe. L’autre, qui avait résisté à la chute, tournait vers le ciel cette dédicace :

« Anno Domini MLCCXXXIX ab erectâ Jesû Societate bi-sæculari sancto fundatori et parenti suo Ignatio minimi utriusque filii hunc lapidem in titulum erexere. »

De là, une avenue dallée, large de trois mètres, jalonnée de lions et de tortues portant des stèles, mène à un tertre, qui dresse, le long du mur terminal du cimetière, une couronne de vases et d’animaux ornementaux, surmontée d’un grand autel. Tout est de marbre blanc. Mais il faudrait employer le mode passé, car lions, stèles, tortues, vases, étaient culbutés et brisés.

Une des tortues, au pied de l’autel, avait été décapitée tout net comme par un obus.

A droite et à gauche de l’allée centrale, une forêt de stèles hautes et épaisses s’élevait autrefois au-dessus des tombes des Pères Jésuites. Devant moi, pas une n’était debout. Tantôt à plat, tantôt en porte-à-faux, tantôt au quart dressées sur l’angle d’une voisine, parfois brisées, malgré leur épaisseur et leur dureté, toutes gisaient sur la terre de l’exhumation ou dans l’herbe. Et, près d’elles, toutes les sépultures étaient béantes et vides.

Chacune formait un carré long, mesurant trois mètres sur deux, et deux mètres cinquante de profondeur, entièrement revêtu de briques. Aux deux tiers de la fosse, trois dalles de schiste vert ménageaient une chambre funéraire pour le cercueil et la séparaient de la couche de terre rabattue. Elles avaient été découvertes, levées, mises sens