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La prise de Podol et de Turnau rend les Prussiens maîtres de deux passages importans sur la coupure du fleuve.

Le Prince royal s’était, pendant ce temps, également avancé vers la frontière de Bohême. Ses troupes allégées ne traînaient avec elles que des chars à deux roues, pour les munitions du bataillon et les caisses d’ambulance ; les soldats n’étaient pas même chargés de leurs havresacs ; des voitures de réquisition les portaient sur les derrières. On ne rencontra devant soi aucun obstacle matériel, et on s’avança tranquillement et rapidement sans être inquiété, sur quatre colonnes ne pouvant se secourir latéralement et qui se réduisirent à trois à partir de Prausnitz. Le 26 au soir, elles sont en position de franchir le lendemain la montagne et de déboucher en Bohême par trois issues : Trautenau, Eipel et Nachod.


V

Napoléon reprochait aux Autrichiens de ne pas connaître le prix du temps. Benedek mérita une fois de plus ce reproche. Le mouvement hasardeux qu’il entreprenait demandait qu’on ne perdît pas une heure ; il perd des jours. Son IIe corps était en avant, par conséquent plus près du but à atteindre ; il ne le met pas en marche le premier, il l’immobilise sur les limites du comté de Glatz, ne met en mouvement les IIIe et Xe corps que le 20, « tâtonnemens, mezzo termine, qui perdent tout à la guerre[1]. » Enfin il s’ébranle, mais péniblement : le temps est mauvais, les routes défoncées ; l’intendance, prise au dépourvu par la résolution inopinée de porter l’armée en Bohême, avait cru qu’en donnant de l’argent aux soldats, ils se procureraient ce qu’elle n’avait pu leur fournir, et n’éprouveraient aucune privation, grâce à la richesse du pays. Ce système réussit assez bien aux têtes de colonne ; les autres troupes « ne trouvèrent plus rien sur le pays épuisé, et subirent quelques privations, » dit l’état-major autrichien.

Benedek, pendant que son armée cheminait, reçut, le 20, un avertissement sérieux, confirmé le 25 : des mouvemens opérés sur la Neisse par l’armée du Prince royal on devait conclure avec assurance que la plus grande partie, sinon la totalité de

  1. Napoléon.