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vastes entreprises de colonisation n’ont donné que des résultats insignifians : auprès de Sétif, l’Empire avait concédé à une compagnie genevoise une assez vaste étendue de terres, à la condition d’y constituer des villages et d’y amener des colons. Les villages ont bien été construits et peuplés, mais peu à peu leur population diminue et leur aspect devient misérable ; pour tirer parti de ses terres et donner un dividende à ses actionnaires, la Compagnie se borne à louer son domaine aux indigènes. La Compagnie algérienne n’a guère fait autre chose, entre Constantine et Guelma. Voilà deux exemples destinés à faire réfléchir sur les concessions à accorder à de grandes compagnies.

L’utilité capitale du système qui vient d’être rapidement exposé pour la constitution de la colonisation libre consiste dans la purge, opérée par l’expropriation pour cause d’utilité publique, de tous les droits réels existant au profit de tiers quelconques sur les terrains vendus. Rien n’est en effet plus confus que la situation de la propriété foncière en Algérie, et, comme toujours en ce pays, si la question a été agitée nombre de fois, elle en est encore, quant à l’application, au même point qu’en 1830. Une commission nommée en 1842 par le maréchal Bugeaud pour organiser la propriété avait déclaré qu’il y avait lieu, avant toute autre mesure, de « dresser le livre général de la propriété algérienne. » Ses travaux, intéressans à plus d’un titre, contiennent nombre d’idées justes et très remarquables, si l’on se reporte au temps où elles ont été émises ; ils ont abouti à la rédaction de l’ordonnance du 1er octobre 1844. Depuis lors, la Belgique, l’Allemagne, la Roumanie, la Hollande et l’Italie ont réformé leur législation sur la propriété immobilière ; l’acte Torrens a été rendu en Australie, et ses principes ont été appliqués avec des modifications plus ou moins variées en Tunisie et jusqu’au Congo ; et cependant, l’Algérie, comme la France, du reste, s’entête dans un système condamné par tous, et dont la conservation nous place au dernier rang parmi les peuples civilisés. A tous les inconvéniens, depuis longtemps constatés, de notre système de constatation de la propriété immobilière, s’en ajoutent d’autres en Algérie, qui résultent de l’origine même de toutes les propriétés musulmanes, des droits d’usage et des servitudes dont elles peuvent être grevées, ainsi que des revendications que peuvent faire naître les successions indigènes. Jamais on n’a tenté, même pour les lots de villages ou les lots de fermes, d’assurer la