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dans la direction du Sud ; et c’est ce que le Parlement, peu au courant de bien des questions coloniales, a sanctionné sans hésitation. Pour favoriser le commerce, on n’a rien trouvé de mieux que de l’entourer de formalités administratives ; cela seul aurait suffi pour l’étouffer, s’il existait ; mais qu’on se rassure : il n’existe pas, et nous n’avons que quelques fonctionnaires de plus.

Ce tableau sommaire de l’état agricole, industriel et commercial du pays serait incomplet, si l’on ne s’arrêtait un instant aux deux grands élémens de mise en œuvre des ressources locales : les voies de communication et le crédit.

Lors de la conquête, Alger seul possédait un port étroit et incommode qui abritait la flotte des corsaires du dey ; partout ailleurs, il n’existait que des abris naturels. La création des ports a suivi les progrès de notre domination ; aujourd’hui, Bône, Philippeville et Oran sont bien dotés à ce point de vue. On n’en saurait dire autant d’Alger, où le mouvement de la navigation devient de plus en plus actif, mais dont le port est exposé à un violent ressac. A côté de ces quatre points importans, il faut citer les excellens mouillages naturels de Mers-el-Kébir, Arzew et Bougie, trop négligés jusqu’ici. Ce dernier particulièrement, avec quelques travaux destinés à préserver le port de l’ensablement par les apports de l’oued Sahel et une appropriation de la grande rade, deviendrait le meilleur refuge de la côte algérienne. A Rachgoun, où l’on trouve déjà un bon mouillage, les navires qui viennent charger le minerai ne sont pas suffisamment en sûreté.

On n’a malheureusement pas toujours assez proportionné la dépense certaine à l’utilité présumée, dans l’exécution des travaux à la mer en Algérie, et longue est la liste des erreurs commises aux frais des contribuables. C’est ainsi qu’à peine transformé à grands frais et médiocrement amélioré, le port de La Calle, qui n’avait pas d’importance, a été à peu près déserté par la population de pêcheurs. A quelques kilomètres de là, le port de Bouliff, entrepris il y a une trentaine d’années, a été abandonné, et l’on ne découvre plus aujourd’hui, au milieu des hautes herbes, que des ruines de bâtimens et des tronçons des voies ferrées. A Tenès, le port de refuge, commencé il y a quarante ans, et dans lequel plus de six à sept millions ont été engloutis, reste inachevé et peu entretenu. Pourquoi, d’ailleurs, de si coûteuses entreprises sur des points où il n’existe pas de voies de pénétration vers l’intérieur du pays ? Faute de chemins de fer ou même de