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leur nationalité et se sont fixés de l’autre côté de la frontière tunisienne, vers Tabarka. Ce point est devenu un centre de poche et surtout de fraude, car les pêcheurs tabarkins ne se font pas faute de venir dans les eaux algériennes au grand détriment des pêcheurs restés Français. Ces faits sont connus, ils ont été imprimés dans des publications officielles, et pourtant la situation n’est guère améliorée. On pourrait cependant, à la faveur du monopole de la pêche du corail sur les côtes de Tunisie, monopole qui appartient à la France, exercer la police de la pêche dans les eaux tunisiennes, — le droit nous en est réservé, — tandis que des bateaux gardes-côtes feraient respecter notre frontière. Mais, pour l’Algérie, la Tunisie est l’étranger, et des mesures aussi simples nécessiteraient de longs pourparlers.

Jusqu’ici, l’industrie proprement dite a été assez restreinte en Algérie : elle se borne à des manufactures de tabacs, à des minoteries et à des distilleries. Le grand obstacle qui s’opposait à l’établissement d’usines importantes était la difficulté de se procurer du combustible et la rareté des forces motrices d’une certaine puissance. Le développement considérable pris depuis quelques années par l’usage des moteurs électriques permet de prévoir le moment où l’activité industrielle pénétrera en Algérie. Le bas prix de la main-d’œuvre pourrait y attirer des capitaux, et la construction de barrages, judicieusement disposés le long des principales rivières, faciliterait singulièrement l’établissement de grandes usines. La laine que donne le pays en abondance, la soie et le coton dont la production est facile sous ce climat, alimenteraient sans peine des filatures, où un certain nombre d’indigènes pourraient trouver place, s’ils recevaient des notions professionnelles élémentaires.

Si, de l’agriculture et de l’industrie, nous passons au commerce, il y a bien des singularités qui nous frappent, dans le régime de la colonie. Au point de vue douanier, la France la considère tantôt comme un pays étranger, tantôt comme une terre française. Tout cela est quelque peu contradictoire, mais il ne faut pas trop insister sur la logique absolue, et d’ailleurs la discussion du régime douanier de l’Algérie serait celle de notre régime lui-même. Ce qui est bien spécial à la colonie, ce sont ses relations avec ses deux voisines de l’Est et de l’Ouest et avec ce Sud mystérieux où les uns voient la richesse et l’avenir, les autres l’aridité et le néant.