Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le Code forestier calqué en 1827 sur des ordonnances du XVIIIe siècle. Sans parler des délits absolument bizarres qu’il a créés, il établit une série de présomptions légales draconiennes, et en opposition avec les principes fondamentaux de notre législation civile ou pénale. L’inconvénient serait relativement minime si la pénalité n’était exorbitante ; mais que penser d’amendes que l’on réduit normalement au dixième, et, en Algérie, parfois au centième pour les rendre supportables ? C’est là le triomphe de l’arbitraire, et si le droit pour le juge ou l’administrateur de modérer la peine suivant les circonstances est la condition d’une répression équitable, peut-on admettre sans injustice une aussi grande latitude ? Voilà la part de critique qui concerne la législation. Combien est plus lourde celle qui incombe au gouvernement et à l’administration des Forêts ! Personne aujourd’hui ne connaît exactement la superficie des forêts d’Algérie, et il existe de telles contradictions entre les divers chiffres officiels émanant soit de l’administration des Forêts elle-même, soit de celle des domaines, qu’il serait présomptueux à un profane de se hasarder dans ce maquis de la statistique. Ce qu’on peut affirmer sans crainte, c’est qu’un sixième environ des forêts domaniales n’est pas encore délimité et que, sur bon nombre de points, les superficies forestières sont en complet désaccord avec les chiffres des superficies fournis par les délimitations entreprises en vertu du sénatus-consulte de 1863 ou de la loi de 1873 sur la propriété individuelle.

Parmi les forêts domaniales, quelle est l’étendue réelle des forêts proprement dites ? Ici surgit une nouvelle difficulté ; on comprend, en effet, sous ce nom certains terrains domaniaux plantés d’alfa, ou même simplement des broussailles, de telle sorte qu’à la lecture des documens administratifs, l’Algérie, déjà peu propice, au temps de Salluste, à l’arboriculture, pourrait être considérée comme une immense forêt. Cette constatation permet d’entrevoir la source d’où découlent bien des abus. Quand le garde forestier arrête un délinquant, est-il dans une véritable forêt ou seulement dans un terrain soumis au régime forestier ? Peut-il affirmer que le délit est réellement commis sur un terrain domanial ? Quelle est dès lors la gravité intrinsèque de la contravention et la mesure dans laquelle il y a lieu d’appliquer équitablement les pénalités du Code forestier ? Si l’on remarque que le délinquant est presque toujours un indigène