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d’événemens se sont produits. Et sûrement pas un n’autorise à croire que cette Église veut ou peut se délivrer du réseau d’hérésies dans lequel elle est enveloppée. Quelques-uns l’ont comparé à la robe de Nessus. Je ne ferai pas ainsi ; car ma conviction est qu’au jour où l’Église d’Angleterre a perdu son adhérence à l’Église universelle, le principe de toute maladie spirituelle et intellectuelle s’est développé dans son sang et a rongé ses os. Je ne crois pas que ce soit un vêtement empoisonné, mis sur elle du dehors, mais un mal morbide et à formes variées qui se reproduit toujours au dedans d’elle. Et certainement les treize dernières années ont multiplié les points malades et ont montré qu’il n’y avait pas de réaction chez les patiens, qu’il n’y avait « en Gilead, ni baume, ni médecin. » C’est un triste spectacle et fait pour rendre les gens sages, de voir l’Église d’Angleterre, qui s’était dressée comme la réformatrice de l’Église de Dieu, confondue dans l’ouvrage de ses propres mains… Elle a condamné le purgatoire comme « une fable blasphématoire, » et son propre clergé dénie le châtiment éternel des méchans. Elle s’est révoltée contre l’Église vivante, interprète de la Sainte Écriture, et ses propres enfans dénient l’inspiration des Livres saints.


Plus loin, Manning ajoute, à propos du jugement du Conseil privé dans l’affaire des Essays :


Nous pouvons en inférer que l’Église anglicane a deux classes de doctrines : celles qui sont vraies et celles qui, bien que fausses, sont légales : toutes les deux cependant admissibles, toutes deux également enseignées à ceux pour qui le Christ est mort, aux simples, aux pauvres, aux petits enfans tout frais de leur baptême. Est-il possible que quiconque connaît et aime la vérité comme elle est dans Jésus, que quiconque a quelque fidélité à sa personne, est jaloux de son honneur, ou aime les âmes pour lesquelles Il a donné son précieux sang, puisse acquiescer, même parle silence ou par une communion passive, à un système qui le déshonore ainsi et détruit son troupeau ? Mais, en vérité, ce ne sont pas les tribunaux, c’est l’Église d’Angleterre qui est la source de tous ces maux. Si l’Église d’Angleterre était l’Église de Dieu, les tribunaux ne pourraient lui faire aucun tort. C’est l’anglicanisme qui engendre les erreurs. Les tribunaux ne font que les légaliser. Le système anglican est la source de toutes les confusions que la loi ne fait que tolérer dédaigneusement.


Et enfin, après avoir montré les vains efforts de la Convocation :


Tout cela a révélé de plus en plus l’absence de tout discernement, de toute certitude, de toute autorité, dans l’Église d’Angleterre, soit dans son épiscopat, soit dans ses Convocations. Personne ne cherche plus en eux un juge dernier et suprême, investi d’un office surnaturel, ou l’organe d’une divine certitude en matière de doctrine ou de foi… L’alternative, devant la génération présente, n’est plus entre l’anglo-catholicisme ou le catholicisme romain ; elle est entre le rationalisme ou le christianisme, c’est-à-dire entre le rationalisme ou Rome.