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VI

Au moment où l’agitation soulevée par les Essays était à son comble, une autre publication du même esprit vint encore l’aggraver. Cette fois, le scandale fut d’autant plus grand que l’auteur, Colenso, était un évêque, évêque missionnaire, il est vrai, nommé en 1853 à l’évêché du Natal, dans le Sud de l’Afrique. Après avoir évangélisé avec zèle, pendant quelques années, les Zoulous, il avait voulu traduire la Bible à leur intention. Ce lui fut une occasion d’y découvrir les difficultés soulevées par la critique allemande. Mal préparé à y faire face, il en fut troublé et ne sut pas opérer le départ de ce qu’il y avait de fondé ou de faux dans les assertions de cette critique. Sous cette impression, il se mit à composer là-bas, au milieu de ses nègres, loin de tout secours et de toute direction scientifiques, un traité mal digéré sur le Pentateuque, où, non content de redresser certaines idées très contestables de l’école traditionnelle, il en venait à méconnaître complètement l’autorité et l’inspiration de ce livre. C’est ce traité qu’il apporta à Londres et y publia, en deux volumes, le premier à la fin de 1862, le second au commencement de 1863. Il y déclarait, dans sa Préface, ne pouvoir plus user du service liturgique de l’Ordination, parce que la vérité de la Bible y était affirmée, ni du service du Baptême, parce qu’il y était fait allusion au Déluge.

Tombant au milieu d’esprits déjà fort échauffés, ce livre y causa un trouble extrême[1]. Des presbytères d’où l’on avait déjà dénoncé les Essays, un nouveau cri s’éleva, adjurant plus vivement encore les évêques de sévir. L’archevêque du Cap, Gray, métropolitain de Colenso, accourut à Londres, pour réclamer la condamnation de son suffragant. Pusey, plus alarmé que jamais, tâchait d’émouvoir Tait, en lui montrant tous ceux que de pareils scandales poussaient vers Rome. Wilberforce, qui faisait de plus en plus figure de leader à la tête de ce qu’on eût pu appeler la droite du Banc épiscopal, pressa ses collègues de donner satisfaction à ces plaintes, en interdisant tout au moins à Colenso d’officier en Angleterre. Mais ce n’était pas chose aisée

  1. Sur les événemens qui vont suivre, cf. Life of Tait, t. 1, ch. XIII et XIV ; Life of Wilberforce, t. III, ch. IV ; Life of Pusey, t. IV, ch. II et III ; Life of Stanley, t. II, ch. XXI.