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fait l’Italie ? que fait l’Autriche-Hongrie ? que fait l’Allemagne ? Toutes, dans la question des missionnaires, suivent une politique manifestement opposée à la nôtre ? Dira-t-on qu’elles sont entraînées par le fanatisme ? Qui se trompe, de nous ou de nos rivaux ? Si, pour élargir la question, nous prenons toutes les grandes nations contemporaines, nous voyons que toutes, catholiques, protestantes, orthodoxes, considèrent leurs missionnaires comme les plus utiles pionniers de leur influence au loin. Russes, Anglais, Américains agissent, à cet égard, tout comme les Italiens et les Allemands. Encore une fois, qui se trompe ? qui se laisse égarer par les préjugés ou par la passion ? Est-ce nous ? ou est-ce nos rivaux ?

Peut-être montrerons-nous, un jour, tout ce que, peuples ou gouvernemens, les grands États modernes, dépensent pour leurs missions et pour leurs missionnaires, les millions de roubles, de dollars ou de livres sterling qu’ils leur prodiguent chaque année. C’est par une sorte de miracle d’enthousiasme et d’abnégation que la France a jusqu’ici tenu tête à tous ses concurrens d’Europe et d’Amérique. Si elle y est parvenue, ce n’est pas uniquement grâce au merveilleux dévouement de ses religieux ; c’est aussi, ne l’oublions pas, grâce à son protectorat catholique. Or, ces deux instrumens traditionnels de notre expansion au loin sont menacés, simultanément, par le fanatisme qui réclame la suppression de nos congrégations.


III

Le protectorat catholique, dont l’anti-cléricalisme sectaire affecte de faire fi, est le legs de notre ancienne puissance. Il nous rappelle les temps glorieux où l’ombre protectrice de notre drapeau s’étendait sur tous les chrétiens de l’Orient, où la France apparaissait à tout le Levant comme la grande nation libératrice et civilisatrice. Ce protectorat, qui atteste notre longue prééminence, il nous confère encore, aux yeux des peuples chrétiens d’Asie, comme aux yeux des musulmans et des infidèles, une primauté dont l’éclat séculaire relève singulièrement notre prestige politique et dont s’offusque la jalousie de nos rivaux. Nous reste-t-il au dehors tant de cliens dévoués, avons-nous conservé tant de débris du riche héritage de la vieille France,